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Le cadre du poème est mythologique et allégorique. Jupiter s’assied au milieu des dieux et des fleuves. Rome s’avance à pas lents, la tête baissée, les cheveux pendans et souillés de poussière ; elle ne porte plus de casque ; sa lance est un poids pour sa main, et n’est plus une terreur pour ses ennemis.

Rome oppose sa gloire antique à son abaissement actuel, dans une sorte de résumé de l’histoire romaine, siècle par siècle ; et là, et sous l’influence de la rhétorique, plus que d’un sentiment vrai, se manifestent quelques regrets républicains assez énergiques et assez heureux par l’expression. « Ô douleur ! les droits du peuple et du sénat sont rejetés ; ce que j’ai craint m’arrive. Je suis tout entière dans mon prince, tout entière à mon prince ; je suis un lambeau de l’empire de César, moi qui fus reine autrefois ! » Jupiter, pour consoler Rome, lui promet Avitus dont il fait une biographie pleine de louanges outrées et d’idées païennes.

Avitus n’avait pas plus que tout autre grand seigneur gaulois la chance d’arriver à l’empire par le cours naturel des choses : quand il naquit, on se doutait fort peu, en Auvergne, qu’il serait un jour empereur ; on ne s’avisa d’aucuns présages, mais Sidoine Apollinaire’s’en avise après coup, et les place dans la bouche de Jupiter. La jeunesse d’Avitus, employée à la chasse, est pour le panégyriste un motif de comparer son héros aux héros de l’antiquité mythologique. S’il a tué un ours, c’est un Hercule ; a-t-il frappé un sanglier, c’est un Hippolyte. Je fais grace aux lecteurs d’une grande partie des louanges que Sidoine adresse à son beau-père par la bouche de Jupiter. Ces louanges ne prennent quelque intérêt que lorsqu’on arrive aux faits politiques et militaires de la carrière d’Avitus. Son premier exploit est un combat singulier avec un chef hun dont Avitus avait tué le serviteur. Ce combat, qui a lieu à cheval, en présence des deux armées, ressemble à une joute chevaleresque à fer aigu.

Avitus ne brilla pas moins dans cette guerre comme négociateur que comme soldat : la lecture d’une lettre de lui dompta, dit Sidoine, Théoderic, roi des Visigoths. Les conjectures de l’histoire expliquent cet ascendant d’Avitus, par l’intérêt que Théoderic trouvait à faire la paix qu’on lui demandait, ce qui rend un peu ridicule ce vers fanfaron :

« La lettre du Romain rend inutile la victoire du Barbare[1]. »

Avitus apparaît encore sous le double aspect de guerrier et de diplo-

  1. v. 311. Littera Romani cassat quod, Barbare, vincis.