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lons-nous de plus ? Qu’est-ce que le monde maintenant peut vouloir encore ? Voilà le mystère qui se dévoile au grand jour ; prêtez l’oreille : ce tintement devient la voix ! elle parle !

Homunculus, dans la fiole de Wagner. — Bonjour, papa. Eh bien ! c’était donc vrai ? Viens, presse-moi sur ton sein avec tendresse, mais pas trop fort pourtant, de crainte que le verre n’éclate. C’est la propriété des choses ; à ce qui est naturel, l’univers suffit à peine ; ce qui est artificiel, au contraire, réclame un espace borné. (À Méphistophélès.) Te voilà ici, drôle ! maître cousin, le moment est bon, et je te rends grace ; un heureux destin te conduit vers nous. Puisque je suis au monde, je veux agir et sur-le-champ me préparer à l’œuvre ; tu es assez habile pour m’abréger les chemins.


Cependant, tandis que le vieux Wagner demeure absorbé dans la stupeur où le plonge l’idée du miracle qu’il vient de faire, le pygmée, le petit être, sans corps, sans pesanteur, sans sexe[1], Homunculus s’échappe de ses mains, vient voltiger au-dessus de la couche où Faust repose, et prélude à sa vie nouvelle par toute sorte de fantaisies charmantes et d’imaginations curieuses. L’antiquité est le premier champ où bourdonne cette petite abeille de lumière. Quels frémissemens singuliers, quel bruit de cristal, quelles vibrations lascives dans l’air trempé de mélodie et de sonorité ! Écoutez, Homunculus improvise : — Leda au bain, le cygne à ses pieds, tous les rêves

  1. THALÈS.

    « Il me paraît encore sujet à la critique sous un autre point de vue. Je le soupçonne d’être hermaphrodite. » (Faust, seconde partie, pag. 168.)

    Comme on le voit, cet Homunculus est un peu cousin des Mères. Produit de l’art et de l’abstraction, il participe de la nature démoniaque des esprits élémentaires, et se rattache à la famille de ceux que l’alchimie appelle Vulcanales. Un homme dont le nom seul éveille toute idée de magie, de nécromancie et d’anthropomancie, le contemporain illustre de Faust et de Wagner, qui, sans le vouloir, a tant fait pour la science, et trouvé les secrets sans nombre de la médecine au fond du creuset où il se consumait à chercher l’or potable, la pierre des sages, Vanodinam summum, et toutes les chimères de l’alchimie, Théophraste Paracelse, ce fou sublime, énumère, au troisième chapitre du Paramirum, les formules sur lesquelles on doit se régler pour créer un homuncule. « Il faut bien se garder, dit-il, de négliger en quoi que ce soit la génération des homuncules ; car il y a quelque chose dans ce mot, quoique un épais mystère l’enveloppe. Ainsi donc, à la philosophie antique, qui demande s’il est possible de créer un homme en dehors du sein de la femme, je répondrai que oui, mais seulement par les secrets de l’art spagirique. Or, voici comment il faut s’y prendre pour réussir. » Ici je m’arrête dans la traduction, car je n’oserais m’aventurer plus avant à travers le fumier bizarre que l’alchimiste amoncelle au soleil pour son œuvre. Je renvoie les lecteurs curieux de faire un homme d’après le procédé de Paracelse au chapitre III du Paramirum, page 586, où la recette se trouve exposée en détail. « Spagiria, sive ars spagirica est, quæ purum ab impuro segregare docet ut rejectis fæcibus virtus remanens operetur. » (Ruland, Lex. Alch., pag. 459.) — Plus loin, Théophraste analyse avec complaisance les facultés miraculeuses de ces créatures étranges, formées ex contrario et incongruo.