Méphistophélès. — Paix donc ! silence ! laisse le spectre faire comme il lui plaît.
Le courtisan. — Elle s’éloigne sur la pointe du pied ; il s’éveille.
Une dame. — Elle regarde autour d’elle, je l’avais bien pensé.
Le courtisan. — Il s’étonne ! ce qui lui arrive est un prodige.
Une dame. — Pour elle, ce qu’elle voit n’a rien qui l’étonne, je vous assure.
Le courtisan. — Elle retourne à lui avec bienséance.
La dame. — Je remarque qu’elle lui fait la leçon ; en pareille occasion, les hommes sont tous des sots ; il croit être le premier.
Un chevalier. — Oh ! de grace ! souffrez que je l’admire — Élégante avec majesté !
La dame. — La drôlesse ! voilà qui passe toutes les convenances !
Un page. — Je voudrais bien être à la place du jeune homme !
Le courtisan. — Qui ne serait pris en de pareils filets ?
Une dame. — Le bijou a passé par tant de mains, que l’or en a souffert un peu.
Une autre dame. — Dès l’âge de dix ans elle n’a plus rien valu.
Un chevalier. — Chacun prend à loisir ce qu’il trouve de mieux ; pour moi, je me contenterais de ces beaux restes.
Un philologue. — Je la vois clairement devant mes yeux ; cependant j’ose douter encore de son authenticité. La réalité mène à l’extraordinaire. Avant tout, je m’en tiens à ce qui est écrit. Je lis donc qu’elle a réellement tourné la tête à toutes les barbes grises de Troie. Et, toute réflexion faite, ceci s’accommode assez bien à la circonstance. Je ne suis pas jeune, et pourtant elle me plaît.
L’astrologue. — Ce n’est plus un adulte, mais un hardi héros. Il l’étreint ; à peine peut-elle se défendre ; il la charge sur son bras puissant. Va-t-il donc l’enlever ?
Faust. — Téméraire ! insensé ! tu l’oses, tu ne m’entends pas ! arrête, c’en est trop !
Méphistophélès. — C’est cependant toi-même qui produis la fantasmagorie.
L’astrologue. — Un seul mot. D’après ce qui s’est passé, j’appelle l’intermède, l’enlèvement d’Hélène.
Faust. — Qu’est-ce, enlèvement ? Ne suis-je donc pour rien à cette place ? Ne l’ai-je pas dans la main cette clé qui m’a conduit à travers l’épouvante, et la vague et le flot des solitudes, sur ce sol ferme ? Ici j’ai pris pied, ici sont les réalités, d’ici l’esprit peut combattre les esprits et se préparer la conquête du double royaume. De si loin qu’elle était, comment aurait-elle donc pu venir plus près ? Je la sauve ; elle est deux fois à moi ! Courage donc, ô mères ! mères, vous devez m’exaucer ! Celui qui la connaît ne peut plus vivre sans elle.
L’ASTROLOGUE. — Faust ! ô Faust ! que fais-tu ? Il l’étreint avec force ; déjà