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nère en abus. La Valachie nous est ouverte ; les produits de son sol, qui tendent toujours à s’améliorer, sont déjà d’une bonne qualité, ses minerais abondans fourniront un jour un nouvel objet d’exportation, ses laines sont estimées en Allemagne : montrons-nous donc aussi comme acheteurs sur les marchés de Brailow, et nous y serons vendeurs à notre tour. Nos draps, nos mérinos surtout, si supérieurs à ceux des Anglais et moins chers cependant, trouveront là un débouché nouveau. Mais hâtons-nous, ou les étrangers, plus actifs et plus entreprenans, prendront pied avant nous. Le gouvernement a appelé l’attention de Marseille sur Brailow, mais ne devrait-il pas au moins placer un vice-consul dans cette dernière ville ? L’Angleterre, la Russie, l’Autriche, les Deux-Siciles et le Piémont lui-même ont des agens à Brailow ; c’est celui de l’Angleterre qui est chargé des affaires de France sous la surveillance du consul de Boukarest ! Les fonctions fort importantes de ce consul sont surtout diplomatiques ; c’est à Brailow que doit résider notre agent commercial ; c’est là seulement que l’on peut étudier les ressources de la Valachie, instruire nos ports de la Méditerranée des variations des mercuriales, et indiquer aux chambres de commerce ceux de nos produits dont l’écoulement serait le plus certain, toutes choses qu’un vice-consul anglais, si loyal qu’on doive le supposer, ne pourra jamais faire. Que des relations s’établissent entre la France et la Valachie, et les sympathies bien réelles que les Valaques éprouvent pour nous deviendront plus vives encore. Si nos commerçans s’élèvent de l’intérêt particulier à l’intérêt national, s’ils apportent dans leurs actes cette bonne foi, cet orgueil de bien faire, qui les distinguaient jadis, les services qu’ils peuvent rendre à notre pays sont immenses. De pareilles entreprises doivent enrichir d’abord ceux qui les feront ; elles seront, en outre, utiles à la France sous plus d’un rapport, et à la Valachie dont elles favoriseront l’élan progressif. Ainsi entendu, le commerce n’est plus seulement un moyen de fortune, un trafic ; c’est une des plus honorables professions que l’homme puisse embrasser.


Édouard Thouvenel.