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LA VALACHIE.

les régissaient, et qu’enfin elle a considérablement amélioré le sort des habitans des campagnes. On pourrait croire d’après cela que les Russes possèdent en Valachie, outre l’influence que donne la force, celle qui trouve son point d’appui dans les sentimens des masses ; il n’en est rien cependant : les Valaques les redoutent et n’éprouvent pour eux que de bien faibles sympathies. Sous le protecteur ils voient percer le maître ; l’occupation a eu d’ailleurs deux époques bien distinctes : pendant la première, soit que la Russie ait songé à conserver les deux provinces, soit qu’elle n’ait pas cru au prompt développement de leur prospérité, soit enfin, comme on l’a prétendu, que le général Kisselew ait eu l’espoir de travailler pour lui-même, toujours est-il que les actes de l’administration ont été faits dans un esprit de justice et de bienveillance. Dans la seconde période, au contraire, on sembla vouloir détruire ce qu’on avait édifié et contrarier la marche de la Valachie dans la route qu’on lui avait ouverte ; on laissa de plus échapper des paroles imprudentes, indices à la fois d’un désappointement et d’une espérance : — Croyez-vous donc que l’on vous eût mis ici pour gouverner en votre nom ? — dit un jour à l’hospodar le général Kisselew. En 1834, enfin, le jour où les troupes impériales repassèrent le Pruth fut salué comme un heureux évènement, et les essais de suprématie tentés depuis par la Russie ont prouvé que l’esprit public ne lui est point favorable.

Il nous reste, pour compléter autant que possible l’esquisse rapide que nous venons de tracer, à donner une idée sommaire des ressources matérielles de la Valachie[1].

On n’a point, sur la population de cette province, des renseignemens précis. Avant l’occupation, on la portait à huit cent mille ames ; les Russes procédèrent à un recensement dont les résultats furent si différens des données reçues, qu’ils évitèrent d’en publier les documens officiels ; on peut toutefois supposer que le nombre des habitans s’élève au moins à deux millions sur une surface de quatre mille huit cent dix lieues carrées. Le climat de la Valachie est doux et fort sain dans le voisinage des Karpathes ; mais les forêts qui occupent le quart du territoire et les eaux stagnantes qui baignent les plaines entretiennent dans certaines parties une humidité dangereuse. Le sol est riche, fertile, et propre à tous les genres de culture qui réussissent chez nous : le maïs, l’orge et d’autres grains y croissent à merveille ;

  1. On peut consulter sur ce sujet l’excellent Tableau de la Moldavie et de la Valachie, de Wilkinson.