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LA VALACHIE.

fait voir aussi que, tout faible que soit un peuple, il y a chez lui des sentimens de dignité et d’orgueil national qu’il est imprudent de ne point respecter. Quant aux Valaques, ils se sont, ce me semble, exagéré outre mesure les conséquences de la nouvelle disposition réglementaire. Le soin de leurs intérêts matériels, la mise en œuvre de leurs nombreux élémens de prospérité, doivent, avant toute autre chose, occuper leur attention ; qu’ils se résignent au sort de tous les petits états : pas plus que la Saxe et la Bavière en Allemagne, ils ne peuvent traiter, en toute liberté, les questions politiques ; mais, ce qu’ils ne doivent pas perdre de vue, c’est que les rapports que le commerce introduira entre eux et l’Europe, les faisant participer au mouvement occidental, les sauveront seuls de l’ambition de leurs protecteurs ; et ces rapports, comment les établir ? Par le maintien de la paix d’abord, et par le travail. La Valachie n’a pas aujourd’hui d’ennemis plus dangereux que les intrigans qui se donnent pour les plus chauds amis de ses droits et de sa liberté.

La salle où se réunit l’assemblée nationale est fort petite ; au fond s’élève le siége du président ; les grands boyards prennent place sur des bancs à sa droite, et les députés des districts à sa gauche. Les orateurs ne montent point à une tribune pour exposer leurs avis, de sorte qu’il s’établit entre eux plutôt une conversation familière qu’une discussion solennelle. J’ai assisté à une séance assez curieuse par les propositions que vint y faire M. Aristarki, commissaire du sultan. Il demandait le remboursement de 9000 piastres envoyées à une dame par le capitan-pacha, une pension de 200 piastres par mois pour un musicien dont le violon faisait les délices du sultan, et enfin, de la part du prince Ghika, 140,000 piastres destinées à l’achat d’un présent pour la fille de Mahmoud. Il fut répondu par l’assemblée : 1o  que le capitan-pacha pouvait, de ses deniers privés, témoigner sa reconnaissance à ses anciennes maîtresses ; 2o  que puisque Mahmoud aimait les violons, il était de toute justice qu’il les payât ; 3o  que si l’hospodar voulait faire une galanterie, il avait une liste civile de 800,000 piastres à sa disposition.

La Valachie est divisée en dix-huit districts à la tête de chacun desquels se trouve un magistrat nommé par le prince, qui doit choisir entre deux candidats élus par les notables. Chaque ville a un conseil municipal par lequel elle se gouverne, s’impose et s’administre elle-même, sous la seule obligation de soumettre son budget aux ministres. Les habitans chrétiens, nobles ou roturiers, propriétaires d’un immeuble de 700 francs, se réunissent, tous les trois ans, dans leur