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DE L’IRLANDE.

aux indigens que dans les maisons de travail, et la privation de la liberté sera le prix de cette aumône temporaire. L’effet de cette loi ne fût-il que de mettre en construction sur tous les points de l’île un nombre infini de workhouses, et d’assurer ainsi des ressources extraordinaires à une population complètement dénuée de moyens de travail, ses conséquences seraient déjà très salutaires. En ce sens, on peut dire que le système de travaux publics aux frais de l’état, proposé par le cabinet, et partiellement adopté par la législature, contient la seule solution possible de ce triste problème. Lorsqu’un grand ensemble de chemins de fer sera en cours d’exécution, et que de vastes terrassemens nourriront tant de bouches affamées, ce peuple cessera une guerre implacable contre une société qui, pour la première fois, aura bien voulu se souvenir qu’il existe : des communications nouvelles et plus rapides permettront à l’une des contrées les plus fertiles de l’Europe d’augmenter la masse de ses richesses, en ouvrant à leur exportation des voies plus rapides, enfin un capital nouveau aura été créé par l’industrie aux mains de la population rurale, et ce capital pourra devenir pour elle l’instrument précieux de son aisance matérielle, aussi bien que de son perfectionnement moral. Le parlement anglais ne s’engage, sous ce rapport, qu’avec une hésitation et une répugnance visibles dans des voies toutes contraires à celles où il a marché jusqu’à présent en fait de travaux publics ; mais, pour lui, l’avenir est destiné à faire fléchir bien des théories, et l’Irlande est placée, d’ailleurs, dans des conditions tellement exceptionnelles, que la libre concurrence et l’industrie particulière, principes qui suffisent à tous les besoins en Angleterre, resteraient évidemment sans application dans l’île voisine.

L’Irlande, protégée par un pouvoir local qui la gouverne dans le sens de ses intérêts, comprenant qu’il est temps de substituer la confiance à la haine, soutenue dans ses vœux de réformes administratives et judiciaires par un cabinet dévoué à son bien-être, secondée par la libéralité du parlement dans ses tentatives industrielles, s’avance à grands pas vers un meilleur sort. Mais personne ne l’ignore : une grave question reste à résoudre, question qui touche à la fois à l’ordre moral, à l’ordre politique et à l’ordre matériel, et dans laquelle viennent se résumer toutes les difficultés, se concentrer tous les souvenirs et se réchauffer toutes les passions ; celle-là, le cabinet whig ne s’est pas senti assez fort pour la trancher, après avoir pris une sorte d’engagement de la résoudre. Il a essayé des réformes sans résultat en ce qu’elles sont insuffisantes ; et, dans l’instant le