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fonds permanent d’encouragement aux dépens de la société tout entière. Nous avons montré, dans une autre partie de ce travail, comment, en garantissant un peuple contre les conséquences du vice, de l’imprévoyance et de la paresse, il devient par là même vicieux, imprévoyant et paresseux. Mais en ce qui se rapporte à l’Irlande, il faut tenir compte, ce semble, de considérations particulières et toutes locales de nature à infirmer jusqu’à un certain point les théories générales présentées par Malthus, Chalmers et presque tous les économistes, contre la taxe légale.

Peut-être l’établissement de secours pour les pauvres, dans les conditions nouvelles et plus sévères où la législation vient de les établir, est-elle jusqu’à présent le seul moyen de créer pour ce malheureux peuple cette alternative qui lui manque aujourd’hui entre la possession de la terre arable et la mort par famine. Lorsque le paysan irlandais, chassé de sa chaumière, et dans l’impuissance de sous-louer à prix d’or quelques lambeaux de terre, saura qu’il est un lieu où il recevra de quoi vivre ; tout désolé que soit ce lieu, toute sombre qu’en soit l’entrée, il ira y manger son pain d’amertume, et ne recourra plus à la menace, à l’incendie et à l’assassinat, comme à son unique secours. Ce qui importe avant tout, c’est de rendre le white-boysme odieux en le laissant sans excuse ; et s’il y a de grands inconvéniens à donner à un peuple enclin à la paresse trop de sécurité sur l’avenir, n’est-il pas plus dangereux encore de lui montrer dans cet avenir des souffrances sans espoir et une mort inévitable ? Il est assurément très fâcheux de créer à des pauvres une condition qui les dispense de s’inquiéter du temps qui devra suivre ; mais il est plus fâcheux, sans nul doute, de leur montrer ce temps qui approche, avec un cortége de douleurs si cuisantes, qu’ils ont recours pour s’y dérober aux moyens les plus criminels, et qu’au jugement de leur conscience, le crime se transforme en devenant comme une terrible nécessité.

Si l’introduction en Irlande des lois sur le paupérisme avait pour résultat de placer les choses en ce pays sur le pied où elles étaient en Angleterre avant le Poor-law amendment act, un tel essai serait à la fois immoral et funeste : distribuer à tous les nécessiteux et prétendus tels des secours abondans à domicile, alimenter la pauvreté par la paresse, et la paresse par la pauvreté, ce serait imposer à la propriété une charge sous laquelle elle succomberait en bien peu d’années ; aussi n’est-ce pas là ce qu’a fait le gouvernement britannique. En Irlande comme en Angleterre, aucun secours ne sera donné