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DE L’IRLANDE.

On peut croire, et des actes nombreux y autorisent, que le cabinet anglais ne repoussait pas à cette époque la perspective de cette émancipation, et que, dans l’intérêt de sa politique et de la sûreté de l’empire britannique, il l’aurait bientôt imposée au parti orangiste, malgré ses cris de fureur et les anathèmes de l’église. On sait comment une rébellion formidable vint arrêter soudain les progrès de ces conquêtes légales, et donner un autre cours aux évènemens et aux idées, en rendant à l’Angleterre une force qu’elle avait perdue. Cet évènement amena l’anéantissement politique de l’Irlande, et recula de plus de trente années le jour de sa délivrance ; il constata le vice radical de l’organisation donnée jusqu’alors à des intérêts également hostiles, il est vrai, à la domination britannique, mais d’une nature essentiellement différente. C’est au contraste de la lutte de cette époque avec celle qui dure encore, et qui, depuis quinze ans, a fait marcher l’Irlande de victoire en victoire, que le publiciste et l’historien doivent s’attacher, celui-ci pour faire comprendre les faits, celui-là pour descendre dans les entrailles mêmes de la question actuelle.

L’insurrection de 1798 fut une de ces inspirations factices qui ne jaillissent pas du cœur même des peuples. Les catholiques s’y associèrent parce qu’ils virent flotter un drapeau hostile à l’Angleterre, mais ils restèrent complètement étrangers et à l’esprit de cette insurrection et à la direction de ce mouvement. Ses chefs principaux et le corps des Irlandais-unis presque tout entier, qui faisait la force de cette association, songeaient beaucoup moins à rendre l’Irlande indépendante qu’à la rendre républicaine, et ce complot ne fut rien moins qu’un complot papiste, quoique la force des choses dût y engager la population catholique.

Les dissidens presbytériens, le cœur plein des passions démocratiques inséparables de leurs doctrines religieuses, avaient réchauffé les croyances politiques de leurs pères à l’ardent foyer allumé par la révolution française. Le parti catholique suivit d’abord cette impulsion, mais sans chaleur, comme on s’associe à une cause qui n’est pas la sienne. On coalisa ses haines en séparant ses espérances, et ce fut bien moins aux victoires du général Lake, qu’à ce défaut d’unité et au caractère de plus en plus démagogique imprimé au mouvement, que le gouvernement britannique dut la facile soumission de l’Irlande. Les tempêtes et la fortune de l’Angleterre firent le reste.

De ce jour, se prépara pour cette grande cause une ère nouvelle. L’expérience ne fut pas répudiée, et l’Irlande sut puiser de hautes et