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réconciliation, mais une véritable alliance entre la Porte et l’Égypte, qui deviendrait la seconde ligne de défense et comme l’arrière-garde de la Turquie contre les envahissemens de la Russie.

Si la Porte se sentait soutenue, protégée par une confédération qui, dans son vaste réseau, envelopperait l’Autriche, l’Angleterre, la France et l’Égypte, son attitude, son langage, changeraient tout à coup. On peut dire qu’elle reprendrait possession d’elle-même. Sa confiance en ses forces renaîtrait. Elle poursuivrait en paix le cours de ses réformes, réorganiserait son administration et finirait par trouver dans ses propres ressources des garanties de conservation. Tant que cette grande alliance ne sera point conclue, toutes les autres combinaisons seront précaires et insuffisantes. Ne sachant sur quelles bases se fixer, n’obtenant point de l’Occident un appui véritable, le sultan se rejettera vers le Nord. Ce prince, il faut bien s’en convaincre, est incapable, livré à lui-même, de maîtriser les événemens.

Sans doute, le jeune souverain qui, sans expérience des hommes ni des choses, a su, en peu d’années, reformer l’unité de l’empire devenu la proie des pachas, contenir pendant dix-huit ans les janissaires et puis les anéantir, fonder un nouveau système militaire, organiser des armées régulières et comprendre que son empire ne pouvait être sauvé qu’en se dépouillant de ses préjugés, de son ignorance, en s’éclairant des lumières de l’Europe, en lui empruntant quelques-uns des élémens de sa civilisation ; le prince qui a fait toutes ces choses n’est pas assurément un homme ordinaire. Quiconque voudra le juger impartialement devra tenir compte, avant tout, des circonstances au milieu desquelles s’est développé son règne. L’histoire présente peu de souverains placés dans des conditions plus malheureuses. D’abord la chute de Napoléon, seul capable de contenir la Russie ; puis la sainte-alliance qui livre au czar les rênes du continent, qui exclut la Turquie de ses dispositions conservatrices et l’isole de tous ses appuis naturels ; bientôt après le soulèvement de la Grèce, ralliant à sa cause le despotisme du Nord et le libéralisme lettré de l’Occident ; le développement de l’ambition et des forces de Méhémet-Ali ; tous ces faits, sortis du fond même des choses, composent comme un cercle fatal dans lequel la fortune semble avoir pris plaisir à enfermer le sultan Mahmoud. Quelle sagacité, que de ressources dans l’esprit, quel art pour deviner quand il fallait agir ou attendre, lever la tête ou fléchir, que de génie enfin n’aurait-il pas fallu à ce prince pour triompher de tant de difficultés ! Mahmoud ne s’est point trouvé à la hauteur des évènemens. La nature lui a donné deux