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LE PRINCE DE TALLEYRAND.

commencée en 1789. Cette révolution n’était pas terminée parce qu’elle n’était pas entièrement accomplie et admise. Il était nécessaire qu’il se fondât un régime dont les régimes précédens n’étaient que les essais, qui s’appropriât leurs divers principes et se préservât de leurs passions, qui empruntât à 1789 la liberté et l’égalité sans l’anarchie, à 1800 l’ordre sans l’arbitraire, à 1814 la paix, mais la paix sans la crainte, au passé une dynastie en lui donnant la consécration nationale, au présent ses idées en leur imprimant une direction habile. Tels devaient être le but, la condition, la règle et la force de l’établissement de 1830.

M. de Talleyrand s’associa au régime nouveau. Dans ce grave moment où il s’agissait de savoir si la cause populaire pourrait triompher en France, et même s’étendre en Europe sans ramener la guerre, M. de Talleyrand, regardant la paix comme utile aux progrès réguliers de la liberté renaissante, aida puissamment à son maintien. Nommé ambassadeur en Angleterre, il alla reprendre, pour ainsi dire les grands desseins qui l’y avaient conduit en 1792. Mais, plus heureux à la fin de sa carrière qu’à son début, il contribua à lier étroitement deux nations que la rivalité de puissance avait long-temps séparées, et que des institutions analogues et des intérêts extérieurs communs devaient alors plus que jamais réunir. Les cabinets de l’Europe, voyant ce vieux et profond politique dont ils connaissaient la sagacité de plus en plus expérimentée et la constante modération, venir représenter auprès d’eux la révolution, crurent encore plus à la force de celle-ci, et se trouvèrent mieux disposés à traiter avec elle. À la tête de la conférence de Londres, par l’ascendant de sa renommée et de son esprit, M. de Talleyrand négocia avec succès la destruction du royaume des Pays-Bas par les puissances mêmes qui l’avaient formé en 1814 contre la France, et fit consacrer diplomatiquement la révolution et l’indépendance de la Belgique, qui devait désormais couvrir notre frontière du nord au lieu de la menacer. Cet utile résultat obtenu, M. de Talleyrand acheva sa mission et consomma son œuvre en signant le traité de la quadruple alliance qui lia la France, l’Angleterre, l’Espagne et le Portugal, en faveur de la civilisation péninsulaire, et opposa l’union de l’Occident à celle du Nord dans l’intérêt de la grande cause constitutionnelle sur le continent.

C’est alors qu’il se retira pour toujours de la scène du monde. Il mit un intervalle entre les affaires et la mort. Le seul évènement qui marqua cette dernière période de sa vie fut l’éloge historique si spi-