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l’empire la conservation de leurs intérêts, et pour les partisans de la révolution le maintien de ses résultats et le retour de ses idées.

Nommé alors ministre des affaires étrangères, M. de Talleyrand se rendit comme plénipotentiaire de la France au congrès de Vienne où devait se régler l’arrangement territorial du reste de l’Europe. Il y arriva des derniers. Il y trouva les quatre grandes puissances décidées à prononcer seules sur la distribution des états, et à garder ce qui leur plaisait dans les dépouilles impériales en vertu du droit de leur force et de la règle de leurs convenances. Représentant d’un pays abattu et d’un gouvernement faible, M. de Talleyrand semblait peu en état de déranger leur accord et de donner à la France dans le congrès une place que paraissaient lui refuser ses désastres. La force qu’il ne reçut point de son gouvernement, il la puisa en lui-même.

À l’exemple de tous les politiques, selon les occasions, il variait ses moyens ; mais, venu dans un temps où l’on raisonnait beaucoup, il avait pris l’habitude d’ériger ses moyens en principes. Il faisait donc une théorie pour chaque circonstance. Cette théorie lui servait de direction. Il inventa alors la théorie de la légitimité. C’est avec elle qu’il se présenta à Vienne. Il espéra s’en aider pour faire cesser, en Europe, le régime de la force que voulaient y maintenir les vainqueurs. Dans le partage du territoire, il dit qu’il apportait un principe à ceux qui n’étaient réunis que par des intérêts, et que seul il pouvait donner la sanction du droit à ce qui ne reposait que sur la conquête.

Il s’introduisit de haute lutte dans le comité dirigeant, d’abord uniquement composé des quatre puissances auxquelles il fit associer, outre la France, l’Espagne, le Portugal et la Suède. En possession d’une influence conquise, que fit-il de son vote et quels furent les résultats de son habileté ? Les divers arrangemens étaient sur le point d’être conclus en grande partie d’après les bases convenues au traité de Paris. L’Allemagne devait être réorganisée en corps fédératif indépendant. La Suisse devait reprendre son ancienne forme et sa neutralité, la Belgique être réunie à la Hollande, pour constituer, sous le prince d’Orange, le royaume des Pays-Bas ; l’Autriche, obtenir la possession de l’Italie du nord et s’étendre, par ses archiducs et archiduchesses, dans l’Italie du centre ; la Sardaigne, recevoir Gênes ; la Suède, acquérir la Norvége ; l’Angleterre, conserver, dans les diverses parties du monde, les points maritimes qui convenaient le mieux à son commerce ou à sa puissance.