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LE PRINCE DE TALLEYRAND.

par son mérite supérieur et son expérience précoce. Après la réunion des ordres, le point le plus important était la liberté des votes que ne permettaient point les mandats impératifs, imposés aux députés par les bailliages. M. de Talleyrand fit une motion contre eux. Il prouva très bien l’inopportunité de ces mandats qui réduisaient les députés à être de simples messagers des bailliages. Conformément à son vœu, l’assemblée, qui s’était délivrée de l’opposition des ordres, se débarrassa des entraves des mandats, et il ne lui resta plus qu’à triompher de la force pour marcher librement vers son grand avenir.

C’est ce qui lui arriva, à l’aide du peuple, le 14 juillet. Dans la soirée de ce jour mémorable, le comité de constitution qui devait consacrer les résultats de la victoire populaire fut nommé. Il se composait de huit membres. M. de Talleyrand fut élu le second entre Mounier et Sieyès. Associé aux hommes qui avaient le plus médité sur l’organisation des sociétés, il contribua avec eux au remaniement complet de la France. Mais outre la part qu’il prit à ce travail général, le plus extraordinaire et le plus étendu auquel on se soit jamais livré, il fut chargé de présenter un plan d’instruction publique qui préparât les générations futures à leurs destinées nouvelles.

L’éducation parut à l’assemblée constituante le meilleur moyen de compléter son œuvre et d’assurer la durée de ses autres changemens en les opérant dans les intelligences elles-mêmes. Aussi le système qui fut alors projeté en son nom et qui s’est réalisé plus tard avec des modifications, avait-il pour principal caractère de séculariser l’enseignement en le fondant, comme tout le reste, sur une base civile et en le faisant donner par l’état et non par l’église. Le vaste et beau rapport que M. de Talleyrand présenta à l’assemblée obtint et a conservé une grande célébrité. Il y considérait l’instruction dans sa source, dans son objet, dans son organisation et dans ses méthodes. C’est le premier travail de cette nature conçu d’une manière philosophique et approprié, par son ensemble, à l’usage d’une grande nation. L’éducation y est offerte à tous les degrés, destinée à tous les âges, proportionnée à toutes les conditions. Elle ne s’adresse pas seulement à l’intelligence qu’elle développe dans la mesure de sa capacité et de ses besoins, mais à l’ame qu’elle cultive dans ses meilleurs sentimens, au corps dont elle exerce l’adresse, et dont elle soigne la force. Sans négliger les belles connaissances et les savans idiomes qui placent les peuples modernes dans l’intimité des anciens peuples et qui conservent l’union spirituelle du genre humain, elle a