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il le dit, n’est ministre qui ne veut, et apparemment on ne veut faire accepter à personne un portefeuille le pistolet sur la gorge ; mais aussi il est un moment ou on n’est plus libre de ne pas tenir des engagemens qu’on était libre de ne pas contracter. C’est ce que lui a répondu M. Dufaure avec une fermeté qui a su toutefois respecter les convenances parlementaires, et avec une lucidité parfaite. L’honorable député de la Gironde s’est d’ailleurs trouvé complètement d’accord avec M. Cunin-Gridaine, qui a pris aussi la parole sur toutes les négociations relatives à son entrée dans le cabinet centre gauche. Il ressort des explications échangées aujourd’hui à la tribune, entre ces personnages, que le cabinet centre gauche était constitué, que le refus d’y entrer, fait par M. Cunin-Gridaine, n’était pas une déclaration d’hostilité anticipée de la part de l’ancienne majorité, mais une sage réserve qui devait permettre aux 221 de garder toute leur indépendance et leur impartialité, pour juger les actes du nouveau ministère ; qu’enfin c’est M. Dupin qui, seul, est la cause de cette nouvelle rupture, de ce nouvel avortement. En répondant quelques mots à M. Dufaure, M. Dupin s’est écrié que, pour prouver son entière abnégation, il était prêt à donner même sa démission de procureur général. Qu’il s’en garde bien ! Jurisconsulte et magistrat, M. Dupin ne mérite que des éloges ; à la chambre même, quand il se renferme dans le rôle d’orateur consultatif, il sert avec éclat l’intérêt public et sa propre renommée. Mais qu’il renonce pour toujours à jouer un rôle dans un ministère quelconque ; il est évidemment frappé d’impuissance gouvernementale ; il ne sait pas vouloir, ni surtout continuer de vouloir. M. Mauguin a présenté, sans le développer, un projet d’adresse au roi, qui doit être distribué dans les bureaux. La chambre n’a pas de plus vif désir que de voir la formation d’un ministère prévenir une discussion qu’elle estime inconvenante et inutile.


— En dépit des sinistres prédictions que l’on ne nous a pas épargnées sur la Belgique, voilà cependant que cette formidable question du traité des 24 articles est terminée à la satisfaction générale. Le plénipotentiaire belge a signé, puis les deux envoyés de Belgique et le ministre des Pays-Bas à Londres se sont amicalement donné la main. Aucun symptôme de résistance ne se manifeste chez les populations rattachées à la Hollande ; les troupes rassemblées par le gouvernement du roi Léopold regagnent sans bruit leurs cantonnemens et leurs foyers ; bientôt l’armée belge pourra être, sans danger, réduite des trois quarts ; des bras inutilement chargés d’un fusil qui leur pèse seront rendus à l’industrie, à l’agriculture, au commerce, à la marine marchande ; la prospérité de la Belgique indépendante et libre, un moment arrêtée dans ses progrès, va reprendre son essor. Le nouveau royaume, que la modération et la sagesse des grandes puissances ont empêché de se perdre, achèvera rapidement cette ligne de chemins de fer, depuis Anvers et Ostende jusqu’à la frontière de l’Allemagne, qui devrait nous humilier ; il y ajoutera, chaque année, un embranchement de plus ; il en étendra le réseau dans toutes les directions ; il en poussera une maille jusqu’aux portes de Lille, et, au premier jour peut-être, fati-