Ô trois fois saint, ô mille fois bon et miséricordieux ! protége la fille de la Lyre, prends pitié de l’esprit de la Lyre !
C’en est fait, il faut que j’aime. Le ciel et l’enfer ont allumé en moi des flammes inextinguibles. Mon ame est un trépied rempli de braise et de parfums. Je voudrais t’aimer, ô sage infortuné, martyr patient de la vertu et de la charité ! Je voudrais t’aimer, ô esprit de la lyre, mélodie enivrante, flamme subtile, rêve d’harmonie et de beauté ! Mais tous deux vous me parlez des choses finies, et le sentiment de l’infini me dévore ! L’un veut que j’aime pour servir d’exemple et d’enseignement aux habitans de la terre ; l’autre veut que j’aime pour satisfaire les désirs de mon cœur et goûter le bonheur sur la terre. Dieu ! ô toi dont la vie n’a ni commencement ni fin, toi dont l’amour n’a pas de bornes, c’est toi seul que je puis aimer ! Reprends mon ame tout de suite, ou laisse-la languir ici-bas dans une agonie aussi longue que l’existence de la terre ; je ne veux pas perdre le sentiment de l’infini. Ô mon Dieu ! aie pitié, car je souffre ; aime-moi, car je t’aime ; donne-moi ta vie, car je…
(La corde d’airain se brise avec un bruit terrible. Hélène tombe morte, et Albertus évanoui.)
Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes dont le cœur est pur ! Esprit notre frère, ton épreuve est finie ; fille de la lyre, ta foi est récompensée. Venez à nous, ô enfans de l’amour ! qu’un céleste hyménée vous unisse pour l’éternité ! Gloire à Dieu au plus haut des cieux !
Où suis-je et que vois-je ? Je me réveille dans les cieux, et ma vue embrasse l’infini ! La lumière céleste et l’amour impérissable me sont rendus. Ô fille de la Lyre, ta foi m’a sauvé ; viens partager la liberté infinie et l’éternelle joie ! Gloire à Dieu au plus haut des cieux !
La lyre brisée, Hélène morte, morte ! Hélène ! Hélène ! où es-tu ? Je suis ton assassin ! Hélène, Hélène ! je veux me tuer !… Laissezmoi me tuer !…
Ne se tue pas qui veut, mon maître ; il vous faut bien expier cette petite faute. Vous vivrez, s’il vous plaît, mais en société avec moi, en compagnie avec le désespoir.