instrumens divers, les cris de la joie, de la guerre et du travail, l’hymne du triomphe et de la force. Écoute, et réjouis-toi ; car ce monde est riche, et cette race ingénieuse est puissante !
Oh ! mon maître ! l’heure et le lieu inspirent Hélène ! Jamais la lyre n’a été plus sonore, jamais le chant n’a été plus mâle, et l’harmonie plus large ou plus savante.
Oui, maintenant enfin, je comprends le langage de la lyre. La vie circule dans mon sang et embrase mon cerveau du feu de l’enthousiasme. Il m’a semblé que je voyais au-delà des bornes de l’horizon, et que j’entendais la voix de tous les peuples se marier à une voix éloquente émanée de mon propre sein.
Maintenant, Hélène touche la lyre ; notre émotion sans doute va changer de nature ; écoutez bien !
Esprit ! où m’as-tu conduite ? Pourquoi m’as-tu enchaînée à cette place, pour me forcer à voir et à entendre ce qui remplit mes yeux de pleurs et mon cœur d’amertume ? Je ne vois au-dessous de moi que les abîmes incommensurables du désespoir, je n’entends que les hurlemens d’une douleur sans ressource et sans fin ! Ce monde est une mare de sang, un océan de larmes ! Ce n’est pas une ville que je vois ; j’en vois dix, j’en vois cent, j’en vois mille, je vois toutes les cités de la terre. Ce n’est pas une seule province, c’est une contrée, c’est un continent, c’est un monde, c’est la terre tout entière que je vois souffrir et que j’entends sangloter ! Partout des cadavres et autour d’eux des sanglots. Mon Dieu, que de cadavres ! mon Dieu, que de sanglots !…
Oh ! que de moribonds livides couchés sur une paille infecte ! Oh ! que de criminels et d’innocens agonisans pêle-mêle sur la pierre humide des cachots ! Oh ! que d’infortunés brisés sous des fardeaux pesans ou courbés sur un travail ingrat ! Je vois des enfans qui naissent dans la fange, des femmes qui rient et qui dansent dans la fange, des lits somptueux, des tables splendides couvertes de fange, des hommes en manteaux de pourpre et d’hermine tout souillés de fange, des peuples entiers couchés dans la fange ! La terre n’est qu’une masse de fange labourée par des fleuves de sang. Je vois des champs de bataille tout couverts de cadavres fumans et de membres épars