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REVUE DES DEUX MONDES.

toutes ces extravagances. Je poursuivrai l’expérience ; et pour commencer,… je vais ôter les deux cordes d’argent, mais avec précaution, afin de voir, en les remettant plus tard, si Hélène recommence le chant de ce soir.

méphistophélès.

Tournez les chevilles tout doucement.

(Albertus touche la première corde d’argent, qui se brise aussitôt qu’il y porte la main.)
albertus.

Oh ciel ! déjà brisée ! Il semble que mon intention suffise sans le secours de ma main !

méphistophélès.

Je vous avais prévenu. Cet instrument est d’une délicatesse extrême. La sympathie le gouverne.

albertus.

Comme tout à coup le ciel est devenu sombre ! Voyez donc, maître Jonathas, la lune est cachée sous les nuages, et l’orage s’amoncèle sur nos têtes.

méphistophélès, riant.

C’est sûrement l’effet de cette corde cassée. Je ne vous conseille pas de toucher à l’autre.

albertus.

Vous me prenez pour un enfant… Je tournerai cette cheville avec tant de lenteur…

(Il y touche, et elle se brise.)
méphistophélès.

Vous l’avez tournée à rebours. Décidément, vous êtes adroit comme un philosophe !

albertus.

Quel cri lamentable est parti du sein des ondes ! Ne l’avez-vous pas entendu, maître Jonathas ?

méphistophélès.

Le grincement de cette corde cassée agace les nerfs du courli endormi dans les roseaux.

albertus.

Quel terrible coup de vent ! Les peupliers se plient comme des joncs !

méphistophélès.

Il va faire de l’orage. Bonsoir, maître Albertus.

albertus.

Vous me quittez ! Ne m’expliquerez-vous pas ce que j’éprouve en cet instant ? Une terreur invincible s’empare de moi. La sueur coule de mon front. Ah ! ne riez pas de ma détresse ! Je consens à souffrir,