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LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

wilhelm.

Encore quelques instans, mon cher maître. La soirée est si belle ! Le ciel est encore embrasé des feux du couchant. Hélène semble goûter un bien-être qu’à votre place je n’oserais pas troubler.

carl.

Il est certain que depuis deux ans je ne l’ai pas vue aussi bien portante que ce soir. Son teint est calme, ses yeux doucement voilés. Elle ne répond pas encore à nos questions ; mais elle les écoute et les entend. Je suis sûr qu’elle guérira, et que bientôt elle pourra nous raconter les belles visions qu’elle a eues. — Hanz, tu le crois aussi, n’est-ce pas ? Tu as remarqué comme toute la journée elle a été moins distraite que de coutume ? On dirait qu’elle fait un grand effort intérieur pour reprendre à la vie réelle.

albertus.

J’ai essayé hier de calmer son esprit en l’élevant vers la pensée de Dieu. Elle m’a écouté attentivement, et ses regards, ses courtes réponses, me prouvaient que j’étais compris. Mais quand j’ai eu fini de parler, elle m’a dit : — Je savais tout cela ; vous eussiez pu l’exprimer d’un mot.

hanz.

Et quel était ce mot ? Vous l’a-t-elle dit ?

albertus.

Amour.

wilhelm.

Ô maître ! Hélène n’est point folle ! Elle est inspirée.

albertus.

Oui, elle est poète ; c’est une sorte de folie, — folie sublime, et que je voudrais avoir un instant, pour la connaître, et pour savoir au juste où finit l’inspiration et où commence la maladie.

hanz.

Mon bon maître, nos longues discussions à ce sujet n’ont donc rien modifié à vos idées ? Vous m’aviez pourtant promis d’y réfléchir sérieusement.

albertus.

J’y ai réfléchi ; mais, avant tout, il faudrait comprendre la musique. J’observe Hélène, j’écoute la lyre. Je cherche à me rendre compte des impressions que j’en reçois. Elles me paraissent si différentes des vôtres, que je n’ose rien décider. J’essaie de saisir le sens