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EXPÉDITION AU SPITZBERG.

visitée par une foule de curieux. Au soixante-sixième degré de latitude, ce jour-là n’est interrompu ni par la nuit, ni par le crépuscule. Du haut d’Avasaxa, on voit à minuit le soleil s’incliner à l’horizon, puis se relever aussitôt et poursuivre sa route. Les Anglais accourent surtout en grand nombre pour contempler ce phénomène. Il en vint un, il y a quelques années, de Brighton qui avait entrepris ce long voyage dans l’unique but de monter le soir au sommet de l’Avasaxa, de saluer le soleil de minuit et de s’en retourner immédiatement en Angleterre. Il était arrivé le 22 juin, et attendait avec impatience l’heure solennelle où son guide viendrait le chercher pour le conduire au sommet de la montagne. Le 25 juin apparaît enfin, l’horizon est pur, le ciel bleu. Vers le soir l’Anglais se met en route, le cœur agité par de douces émotions ; mais voilà qu’au moment où le phénomène boréal doit surprendre tous les regards, des nuages épais s’amoncèlent au-dessus du fleuve, montent dans les airs, et cachent le soleil de minuit. Le malheureux ne put résister à une telle calamité. Il rentra chez lui et se pendit.

Mattarengi nous offrait peu de sujets d’étude. Le village est habité par des Finlandais semblables à ceux que nous avions déjà rencontrés le long de notre route. Il n’y a ni d’école publique dans tout le pastorat, ni de société de lecture. Les parens apprennent eux-mêmes à lire à leurs enfans ; le prêtre va les voir une fois par an, et cet examen de quelques heures est, pour eux, un puissant encouragement.

L’orge ne mûrit guère mieux ici qu’à Muonioniska ; mais les habitans de cette côte trouvent une grande ressource dans la pêche du saumon, qui est presque toujours fort abondante. Ils fabriquent aussi du goudron, et ils commencent à faire de la potasse avec des feuilles de bouleaux.

Nous visitâmes le prêtre et l’organiste, qui, depuis quarante ans, a fait sans interruption des observations météorologiques ; puis nous nous remîmes en route. Nous traversâmes avec un pilote les deux longues cascades de Vuoiena et de Makakoski, et quelques heures après nous arrivâmes à Haparanda.

ix.
HAPARANDA.

Un jeune écrivain suédois, qui a publié un livre intéressant sur les provinces voisines du golfe de Bothnie, fait un triste tableau des environs de Haparanda. Dans un voyage, l’émotion du moment n’est souvent que le résultat d’une émotion précédente. La corde intérieure que l’on entend vibrer a déjà été ébranlée auparavant, et le son qu’elle rend est tout à la fois l’écho d’une sensation passée et la mélodie d’une sensation actuelle. Quand M. Engstrœm visita Haparanda, il venait du sud, et nous, nous arrivions du nord. Notre point de comparaison n’était plus le même. Il y avait long-temps que