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placé par le traitement anti-phlogistique : les saignées générales et les saignées locales, les émolliens et les adoucissans.

Disons tout de suite que, par ce travail, M. Broussais a rendu de grands et incontestables services à la science, qu’il a fixé l’attention des médecins sur les inflammations d’organes qui compliquent un grand nombre de maladies, ou qui sont le point de départ de beaucoup de fièvres ; qu’il a donné l’éveil sur l’abus des toniques que l’on faisait alors d’après les idées de Brown ; qu’il a montré, dans les cas de ce genre, la vertu du bon emploi du traitement anti-phlogistique soit général, soit local. Il a de plus démontré, avec la sagacité d’un bon observateur, les sympathies variées que peut susciter dans toute l’économie l’affection particulière d’un organe, et jusqu’à quel point ces sympathies, éveillées loin du siége primitif du mal, peuvent masquer le mal lui-même ; il a fait voir que la faiblesse que Brown regardait comme l’élément essentiel de presque toutes les maladies, et combattait avec tant d’ardeur par les toniques, était souvent l’effet de l’inflammation qui, concentrant sur un point toutes les forces de l’organisme, les faisait disparaître des autres points ; en conséquence qu’il fallait distinguer avec grand soin la vraie faiblesse de la fausse, et, qu’il y avait là pour le malade une question de vie ou de mort, puisque l’une demandait un traitement tonique, tandis que l’autre demandait des saignées et des délayans. L’auteur appelait en témoignage de ces idées l’ouverture des cadavres et l’observation clinique.

Voilà les vrais titres de gloire de M. Broussais, voilà la partie vraie de ses idées. Malheureusement il avait déjà aperçu le principe absolu de la localisation des maladies, vers lequel il devait se précipiter, prœceps agebatur, et l’épigraphe de son nouveau livre fut cette parole de Bichat : Qu’est l’observation, si on ignore là où siége le mal ? Il avait vu des maladies générales, des fièvres, dont le point de départ était local, c’est-à-dire, résidait dans un organe particulier ; il n’y eut plus pour lui de maladie générale sans point de départ local organique ; tout trouble général fut une réaction contre un mal local. Il posa et défendit à outrance le principe de la localisation de toutes les maladies.

Nous ne pouvons ni ne devons développer ici toutes les raisons et tous les faits qui sont venus protester contre la localisation absolue des maladies. Nous dirons seulement ce que le bon sens médical, avant et après M. Broussais, a dit contre cette idée qu’il regardait comme sa plus belle conquête ; c’est que très souvent les maladies les mieux caractérisées n’ont pas de siége particulier, ou ont un siége