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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

ne trouveront-ils pas pleines de sagesse les paroles que nous allons citer sur la funeste tendance imprimée aux études médicales par l’anatomo-pathologisme contemporain ? « Cette méthode d’instruction médicale est fréquemment suivie de nos jours. Le jeune élève, chargé d’ouvrir et non de traiter, de constater les altérations des organes et non de les prévenir, commence par s’exercer à prévoir les désordres qui vont apparaître à l’ouverture de chaque malade qui s’achemine vers la mort. L’anatomie pathologique se place ainsi en premier ordre dans son esprit.

« La médecine s’étudie donc aujourd’hui par une méthode tout opposée à celle que l’on suivait autrefois : on étudiait les groupes de symptômes, et l’on allait ensuite les comparer avec l’état des organes, lorsque la chose était possible, ce qui arrivait bien rarement. Aujourd’hui que toutes les études commencent par l’anatomie, on débute par remarquer les différences qui existent entre l’état normal et l’état anormal, et l’on fait toutes sortes d’efforts pour soumettre les groupes des symptômes aux altérations matérielles, telles qu’on les rencontre dans les cadavres, c’est-à-dire pour trouver l’explication des symptômes dans les altérations matérielles des organes. De là résulte un profond mépris pour les phénomènes de vitalité considérés en eux-mêmes, ou pour la physiologie pathologique, et le défaut de notions exactes sur la manière dont l’aberration de ces mêmes phénomènes arrive définitivement à la production des altérations organiques. »

Assurément ici, Broussais est plus vitaliste et plus médecin que Bayle et Laennec, qui se prétendaient vitalistes et hippocratistes. Je sais que plus tard, dans le détail, sur un grand nombre de points, lorsqu’il voudra expliquer par l’inflammation les lésions les plus éloignées du type inflammatoire, il aura tort contre eux ; mais dans cette partie supérieure de sa critique il a mille fois et admirablement raison, et c’est une belle et grande chose que l’intelligence du médecin ainsi en lutte avec un organisme souffrant et altéré dans sa substance, en appelant toujours aux ressources de la vitalité troublée, allant jusqu’à refuser d’admettre les faits irrévocablement accomplis dans l’économie, plutôt que de désespérer du malade. Le malheur, en tout ceci, est que Broussais ne reconnaît qu’un mode de vitalité morbide, l’irritation inflammatoire, ou l’inflammation.

La principale idée qui ait présidé à la critique de Broussais, celle qu’il a retournée sous toutes les faces, c’est le reproche d’ontologie qu’il fait aux auteurs. Il entendait par là que, au lieu de fixer