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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

bien au-delà de ses conséquences légitimes que de vouloir que les faits si nombreux qui sont en opposition manifeste avec ces deux ordres de lois rentrent dans la physique et dans la chimie. Plusieurs états maladifs s’expliquent naturellement et directement par l’altération de nos humeurs ; mais c’est entrer dans un système d’hypothèses inadmissibles, que de catégoriser ces altérations d’humeurs sur des états maladifs qu’on ne sait pas expliquer autrement, et encore bien plus que d’imaginer des humeurs que personne n’a jamais vues. Ce que nous disons de l’humorisme, c’est-à-dire de la médecine fondée exclusivement sur les altérations des humeurs, nous le pouvons dire de l’inflammation et du spasme, qui sont des faits vitaux bien caractérisés, mais auxquels ne peuvent se rapporter tous les faits observés sur l’homme malade. On ne saurait croire à quelle extrémité peuvent conduire ces vues partielles de l’esprit, quand on veut leur donner l’omnipotence que la nature leur refuse. Van-Helmont, frappé apparemment des inconvéniens qu’avait eus pour plusieurs enfans le lait maternel, n’était-il pas arrivé à ce point, de regarder le lait comme un aliment contre nature pour l’enfant ? Et, partant de ses idées hypothétiques sur la nécessité des fermens pour l’entretien de la vie, n’avait-il pas imaginé que la nourriture la plus naturelle et la plus vraie pour les nouveau-nés était une bouillie composée avec un levain de bière ?

Autre malheur. L’esprit aventureux des réformateurs systématiques les pousse bien souvent (voyez depuis Thémison jusqu’à Brown et au-delà) à établir leur théorie, c’est-à-dire leur explication générale des faits physiologiques et pathologiques, sur ce qui se passe ou doit se passer dans la profondeur des tissus organiques. Or, c’est là dénaturer l’observation médicale. Si le caractère des maladies n’est pas pris des circonstances qui tombent sous les sens, telles que les causes manifestes, les symptômes extérieurs et la coordination de ces phénomènes, la science est perdue ; elle n’a plus de frein, elle devient ce qu’elle peut. Que le fondement de votre théorie soit le relâchement plus ou moins grand des pores intérieurs des organes, ou l’incitation plus ou moins accumulée sur la fibre organique, ou un souffle, un pneuma, chaud, froid, humide, etc., qui régit les mouvemens vitaux, peu m’importe : dès que vous êtes entré dans ce monde imaginaire, je ne vous suis plus que par curiosité. Que dirait-on d’un astronome qui, au lieu d’observer purement et simplement la marche des astres, entreprendrait, avant tout, de connaître la nature intime de ces corps lumineux et des espaces qu’ils