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est vrai, personne ne le conteste, ni ne peut le contester ; mais nous défendons à Newton, à Kepler, à Huyghens, d’aller garder les troupeaux dans les plaines de la Chaldée, pour observer les astres pendant les nuits. L’humanité, a dit Pascal, est un homme qui apprend toujours. Eh bien ! ce qui est vrai de l’astronomie l’est de la médecine. La médecine multipliera ses moyens de recherches pour pénétrer dans la profondeur du corps humain ; elle débrouillera, pour me servir d’une expression de Broussais, avec une analyse de plus en plus savante, les cris confus des organes souffrans ; elle précisera ses observations, ses vérifications ; elle constatera les exceptions, les incidens, les accidens ; elle connaîtra de mieux en mieux les substances que la nature met à sa disposition pour soulager l’homme ; elle produira, avec le temps, Sydenham, Hoffmann, Stoll, etc. Mais elle ne changera pas de route à chaque pas de sa carrière, elle ne détruira pas incessamment, dans la suite des âges, ce qu’elle a vu, observé, découvert, établi dans les époques précédentes ! Nous lui défendons de faire table rase, et, déclarant qu’elle ne sait rien, de quêter, comme autrefois, les conseils populaires à la porte des temples et dans les carrefours.

Tant que l’esprit humain et la vie humaine ne changeront pas, la médecine, qui n’est autre chose que l’esprit humain appliqué à l’étude de la vie humaine, ne changera pas fondamentalement sa manière de procéder. En prenant l’ensemble de la tradition médicale, depuis Hippocrate jusqu’à nos jours, comment méconnaître que c’est là une grande, une forte et inébranlable chose ? Comment ne pas voir que ses principes fondamentaux sont universels et perpétuels ? Or, l’universalité et la perpétuité sont deux incontestables caractères de la vérité, dans tout ordre d’idées possible.

Nous ne saurions nous empêcher de rendre ici un éclatant hommage aux Leçons de Physiologie, dans lesquelles M. le professeur Lordat de Montpellier a développé cette idée de la pérennité de la science médicale, cherchant à démêler, et démêlant avec un admirable bonheur, ce qu’il y a de constant et d’inattaquable dans la tradition médicale de ce qu’il y a en elle d’hypothétique et de conjectural ; ce qui a fait loi dans l’esprit de tous les bons observateurs, et ce qui fait nécessairement loi chaque jour dans l’esprit de chaque homme réfléchi et de chaque praticien expérimenté, de ce qui n’a été ou qui n’est que l’opinion ou le jeu de l’imagination de quelques-uns ; établissant ainsi avec une grande force et une parfaite lucidité un certain nombre de propositions principales, mères elles-mêmes