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avait dépassé la limite de ses droits, en substituant un compromis à l’interprétation qu’on lui demandait.

Les dispositions du cabinet de Washington et du président étaient cependant beaucoup plus conciliantes, et, s’ils l’avaient pu, ils auraient accepté la transaction. Mais la constitution des États-Unis voulait que le sénat fût consulté ; et, dans cette assemblée, une majorité considérable se prononça pour le rejet de la décision arbitrale, se fondant sur ce que l’état du Maine, dont le consentement était nécessaire pour l’aliénation d’une partie de son territoire, refusait d’y adhérer. M. Forsyth, aujourd’hui secrétaire d’état de l’Union, était un des huit sénateurs qui avaient voté pour l’acceptation. Après cette décision du sénat, le gouvernement fédéral se vit dans l’obligation de notifier au gouvernement anglais qu’il regardait le jugement du roi des Pays-Bas comme non avenu, et, malgré qu’il en eût, de donner à l’appui de sa résolution des raisons plus ou moins justes, à la bonté desquelles il ne croyait peut-être pas. Mais en même temps il faisait espérer au cabinet de Saint-James que la difficulté constitutionnelle pourrait être levée au moyen d’un arrangement qui se négociait alors entre l’état du Maine et le pouvoir collectif de l’Union.

Arrêtons-nous ici un instant. Il me semble, monsieur, que cette prétention de l’état du Maine, qui a servi de base au vote du sénat, est d’une rare impertinence. C’est trancher la question par la question. En effet, de quoi s’agit-il ? De savoir à qui, des États-Unis ou de l’Angleterre, doit appartenir un certain territoire. Et que fait l’état du Maine ? Il dit, de sa seule autorité : « Ce territoire m’appartient, quod erat demonstrandum, je ne veux pas le céder, et je ne me soumettrai à aucune convention qui ne reconnaîtra pas mes prétendus droits dans toute leur étendue. » Et voilà le gouvernement des États-Unis qui se paie de cette raison, la fait valoir et s’en fait une arme contre l’Angleterre, comme si l’état du Maine ou celui de Massachusetts, dont il est né, ne tirait pas exclusivement ses droits du traité de 1783, de ce même traité qu’il est maintenant nécessaire ou d’interpréter parce qu’il est obscur, ou de rectifier parce qu’il est absurde ! Et remarquez bien que la convention à intervenir aura un effet rétroactif, et qu’elle fixera l’étendue de territoire avec laquelle le Massachusetts, et à plus forte raison l’état du Maine, sont entrés dans l’Union. Je crois que ce sont là des vérités incontestables. Mais reprenons.

Le gouvernement fédéral s’était flatté d’un vain espoir, quand il avait compté sur le succès de ses négociations avec l’état du Maine pour terminer le différend à l’amiable. Il s’agissait d’en obtenir la cession du territoire contesté moyennant une indemnité pécuniaire, et, une fois que l’Union aurait été substituée aux droits de l’état du Maine, le cabinet de Washington en aurait disposé pour le plus grand bien de la république tout entière. Mais cette combinaison ne réussit pas. Le Maine avait consenti ; l’état de Massachusetts, dont il fallait obtenir l’autorisation comme propriétaire de la moitié du terrain, refusa son adhésion à l’arrangement proposé, et désormais on dut aviser à d’autres moyens.