Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/280

Cette page a été validée par deux contributeurs.
276
REVUE DES DEUX MONDES.

à l’accomplissement duquel il avait cru devoir s’opposer par la force ; qu’il ne s’agissait point d’une agression, mais d’une simple répression de délit par les voies ordinaires et légales ; enfin, que les deux parties avaient le même intérêt à prévenir la détérioration et le pillage d’une propriété publique, et que les autorités du Maine se seraient immédiatement retirées après l’arrestation des coupables, si le gouverneur du Nouveau-Brunswick ne les avait traitées en ennemi. Quant aux suites de cette déplorable collision, le président espérait réussir à les neutraliser, et obtenir de l’état du Maine le renvoi des milices dans leurs foyers ; mais il supposait que de part et d’autre on s’empresserait de relâcher des agens territoriaux et autres personnages revêtus d’un caractère public, qui avaient été retenus comme prisonniers ; puis on demandait à M. Fox des explications sur le principe de juridiction exclusive qu’il avait si témérairement avancé, et la note se terminait par une observation fort juste, à savoir que de pareils évènemens rendaient plus évidente et plus pressante que jamais la nécessité de régler la question des frontières du nord-est par un arrangement définitif.

Tandis que M. Fox et le secrétaire d’état de l’Union échangeaient cette correspondance, les deux chambres du congrès consacrèrent les derniers jours de leur session à l’examen de la même affaire. Elles y apportaient presque autant d’ardeur et de passion qu’en avaient pu y mettre la législature du Maine ou celle du Massachusetts ; elles approuvaient la conduite du premier de ces états et sa résistance aux prétentions de sir John Harvey ; enfin elles s’y associaient, en quelque sorte, par un bill qui confère au président des États-Unis les pouvoirs les plus étendus pour soutenir l’état du Maine dans sa juste querelle, et au besoin pour entreprendre la guerre, si le gouvernement anglais persistait dans ses prétentions. Dans cette grande circonstance, les partis se sont effacés. Whigs et jacksonmen ont voté ensemble pour imposer à M. Van-Buren le devoir et lui donner tous les moyens de faire respecter par l’Angleterre les droits, la dignité nationale et l’intégrité de l’Union. Mais le même sentiment qui dictait à M. Forsyth la dernière observation consignée dans sa réponse au ministre anglais, portait aussi le congrès à recommander au président, par une résolution législative, l’envoi d’une ambassade spéciale en Angleterre, pour le règlement amiable de la question des frontières. Ceci est en effet la question principale, dont la querelle de juridiction entre le Maine et le Nouveau-Brunswick n’est qu’un accessoire épisodique. Voici donc au juste de quoi il s’agit et l’histoire des longues négociations auxquelles a donné lieu l’interprétation de l’article 2 du traité de Paris (3 septembre 1783) entre l’Angleterre et les États-Unis, qui venaient de conquérir leur liberté.

Le territoire que les deux gouvernemens se disputent depuis 1783 est probablement un débris de notre ancienne grandeur coloniale. Il appartenait, selon toute apparence, à l’Acadie ou Nouvelle-Écosse, que la France avait définitivement perdue par le traité d’Utrecht. Mais, sauf ce souvenir historique, rien n’y rappelle la domination française, qui n’y avait jamais été