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SALON DE 1839.

cramoisi est d’une lourdeur singulière et ne se trouve pas à son plan. Par contre, le coussin de velours rouge et la console sur laquelle s’appuie la princesse, ont une vivacité et un éclat qui attirent trop l’œil et nuisent aux carnations. L’artiste s’est assez bien tiré de la longue robe blanche de son altesse royale. Lorsqu’il se présente un de ces accidens désagréables par leur monotonie, il est permis de tricher un peu en y jetant des ombres ou des reflets. — L’enfant est d’une jolie couleur, peut-être pas assez enfant : tout le monde remarque à quel point il ressemble au Roi.

Il est rare, pour un peintre, de rencontrer des modèles comme son altesse royale la princesse Clémentine. Je ne sais si M. Winterhalter lui a rendu pleine justice. À coup sûr, l’éclat de son teint et la noblesse de sa taille ne se retrouvent point dans ce portrait. La pose du corps est même tout-à-fait manquée. On a peine à concevoir la possibilité d’une attitude qui est complètement hors d’aplomb. Le bras appuyé sur la carne d’un cippe, la princesse l’étend comme elle le présenterait à un chirurgien pour une saignée. Le pied est mal chaussé, et encore plus mal dessiné. Il paraît que son altesse royale n’a posé que pour la tête. Sir Thomas Lawrence n’aurait jamais fait un portrait en pied sans demander à son modèle une séance au moins pour bien saisir l’habitude du corps. On sait le temps que lui coûta la jambe de sa majesté George IV. — Quant au fond, c’est le meilleur, à mon avis, de M. Winterhalter ; il a de la transparence et de la légèreté, mais sa teinte n’est peut-être pas celle qui eût fait le mieux ressortir une figure de jeune personne.

Dans le portrait de Mme la comtesse de P…, M. Winterhalter a reproduit un effet qu’il affectionne, et qui consiste à faire glisser la lumière sur les contours d’une tête placée dans l’ombre. Cet artifice a sa coquetterie ; mais l’exécution en est pénible. La lumière est matte et blafarde, et dessine un peu durement les contours du visage. Il serait imprudent, je pense, de hasarder un semblable effet avec un modèle qui n’aurait pas la grace de Mme la comtesse de P…

Si j’ai peut-être montré quelque sévérité à l’égard de M. Winterhalter, c’est que ce jeune artiste donne trop d’espérances pour que ses défauts n’affligent pas toute personne qui s’intéresse à son talent. On peut lui dire la vérité avec d’autant plus de hardiesse, que ses progrès ont été plus rapides, et qu’il approche davantage de la perfection.

M. Champmartin est coloriste ; son pinceau a de la vigueur, unie,