Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.
252
REVUE DES DEUX MONDES.

M. Monvoisin l’uniformité de son faire, toujours un peu précieux, et que j’aurais voulu plus ferme, tel que le sujet semblait le commander.

M. Monvoisin fait aussi des charges aussi grotesques et peut-être plus vraies que celles de M. Biard. Voyez les Moutards, le Pion, etc. Ce n’est pas de la peinture, mais on en ferait un cahier de lithographies fort amusantes à feuilleter pour les gens attaqués du spleen.

Parmi les découvertes que je dois à mes récentes explorations dans le Musée, je citerai un petit tableau de M. de Vaines, malheureusement faible de couleur et un peu lâché dans l’exécution ; mais le sujet me paraît l’un des plus heureux qu’un peintre pût choisir. C’est un Marché d’esclaves dans une ville romaine, no 2000. Un gros sénateur, c’est Crassus, Apicius, Pollion, appuyé sur le jeune esclave qu’il a in deliciis, marchande à un Juif une famille de Bretons. Autour de lui, quantité d’esclaves de toutes nations présentent une variété de types dont on pouvait, je crois, tirer un plus grand parti. La scène d’ailleurs est habilement disposée, et le sujet s’explique clairement. Mon patriotisme s’est indigné en voyant la tête un peu trop barbare, pour ne pas dire stupide, du chef breton ; mais il y a de la sensibilité dans son mouvement qui lui fait rapprocher de lui tous les êtres qui lui sont chers. Un antiquaire de mes amis, qui a écrit un in-4o sur l’enseigne d’un cabaret de Pompéï, a critiqué le latin de celle du Juif ; peu importe ! il m’est prouvé que M. de Vaines a étudié la société romaine, et il la présente sous un aspect nouveau, vraisemblable et original. Son tableau prouve que les peintres, même de genre, pourraient rajeunir heureusement les sujets antiques et y trouver des motifs au moins aussi pittoresques que dans leur moyen-âge dont ils se lasseront bientôt.

Je n’ai pas encore parlé des portraits dont le nombre est grand cette année. Et qu’on ne s’en étonne pas ; les mœurs constitutionnelles, ou, pour parler plus exactement, l’abolition de l’aristocratie en France tend à multiplier les peintres de portrait. Aujourd’hui, c’est en peignant les banquiers et les notaires qu’un artiste arrive à la fortune. Le gouvernement, presque seul acheteur de tableaux d’histoire, ne peut les payer fort cher. Puis, outre la difficulté d’en être agréé, on rencontre encore celle des sujets qu’il commande et contre lesquels tout le talent possible a bien de la peine à se débattre. Voyez le Musée de Versailles.

J’entends dire qu’en France on considère le portrait comme un genre inférieur ; l’on a tort. M. Northcote, dans sa Vie de sir Joshua