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et marque bien la tristesse particulière empreinte à tous les lieux d’où l’homme s’est retiré. Toutefois il me semble que les proportions du seul arbre qu’il ait introduit dans son tableau, rapetissent les rochers et tout le paysage. De même, l’excavation du premier plan dont on ne voit qu’une partie, fait paraître trop petites les grottes du fond auxquelles celle-ci sert involontairement de mesure. Rien de plus essentiel et en même temps de plus difficile que de donner une échelle au spectateur qui lui fasse comprendre à l’instant l’étendue de la scène placée devant ses yeux. Plusieurs sites célèbres perdent de leur grandeur faute de cette échelle qui n’existe pas toujours dans la nature. Pour cette raison, la cataracte du Niagara, par exemple, ne frappe point d’abord par son immensité.

M. Calame s’attache plutôt à copier exactement qu’à composer. À sa Vue de la Handeck, no 274, on pourrait reprocher de la minutie, surtout dans sa forêt de sapins. Ses arbres sont trop finis, d’un travail trop uniforme, et l’on en voit les détails au lieu d’en saisir les masses générales. Les bords du torrent, où le granit a été mis à nu, ont un air de vérité qui n’échappe à personne. On sent que ces roches déchirées ont été étudiées scrupuleusement ; ce sont de ces accidens que les paysagistes négligent d’ordinaire, mais dont l’exactitude se remarque. En somme, si la lumière était distribuée avec plus d’art sur ce paysage, ce serait un des meilleurs de l’exposition.

Je ne dois point oublier un Site de Norwège par M. Achenbach, no 3, qui se recommande par une apparence de vérité très originale. Contre l’ordinaire des paysagistes qui recherchent une végétation luxuriante, l’artiste a représenté une nature toujours pauvre et stérile, qui vient d’être frappée par les premières atteintes de l’hiver. Il y a beaucoup d’observation dans ces végétaux flétris par la gelée, et si la lumière blafarde du soleil perçant le brouillard, n’offre point un effet bien pittoresque, du moins il a le mérite de caractériser parfaitement l’hiver. On a froid devant ce tableau.

Un autre artiste allemand, M. Wickenberg, a choisi également une scène des climats du Nord. Son Pêcheur assis devant un trou fait sur la glace, no 2117, est un tableau de petite proportion, mais étudié et terminé dans toutes ses parties avec un soin extraordinaire. Si cette comparaison ne paraît point un sacrilége aux vieux amateurs, je dirai que les deux enfans et le chien groupés auprès du pêcheur approchent de bien près de la finesse et de la naïveté de Téniers. Me trompé-je ? mais la glace, dans le fond du tableau, ressemble trop à de l’eau fluide ; au reste, naturellement très ennemi du froid,