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flète en même temps que la pâle lumière de la lune sur une mer agitée ; la Prise du château de Saint-Jean d’Ulloa, 963, où l’on voit un magnifique coucher de soleil ; enfin le Combat de Doel, 964, dont le ciel d’hiver et le paysage flamand sont d’une couleur admirablement vraie. Pour que ce dernier tableau fût complet, j’aurais voulu que les tirailleurs du premier plan fussent retouchés par M. Vernet.

Dans la Bataille du Texel, 1053, par M. Eugène Isabey, il y a une multitude de vaisseaux fort bien gréés, fort bien dessinés, mais peut-être un peu trop entassés les uns sur les autres. Il est fâcheux que la mer, qu’il a voulu rendre clapoteuse, ne ressemble qu’à une bouillie remuée. La couleur de ce tableau est d’ailleurs riche et agréable.

On se rappelle peut-être un étrange tableau de M. Gudin, qui, pour connaître sans doute tout ce qu’il pouvait oser avec le bon public, lui avait présenté, dans un cadre magnifique, une vague toute seule, sans bâtimens, sans côtes, sans un bout de débris ; rien que de l’eau et du ciel. L’idée n’a point été perdue pour M. Tanneur qui l’a reproduite, ajoutant seulement à sa mer, et à mon avis avec raison, quelques roches et un tout petit naufragé s’accrochant à un tronçon de mât. No 1953. Le ciel et la mer ont une couleur chaude et transparente, mais cette vague et celle de M. Gudin ne sont que des études que ces deux artistes auraient dû garder pour eux. Un autre tableau de M. Tanneur, un Vaisseau de commerce rencontrant une escadre, no 1954, offre un tout autre intérêt et montre plus de talent sans charlatanisme.

Aux expositions précédentes, j’avais remarqué avec un vif plaisir les paysages de M. Marilhat. Je lui trouvais une qualité bien rare, c’est qu’il savait faire le portrait d’un arbre, et dans ses compositions je ne voyais rien de convenu, rien qui ne portât le caractère de la vérité. Aujourd’hui, trop confiant peut-être dans ses fortes études, il se livre à son imagination et recherche le style, quelquefois peut-être aux dépens de la vérité. Pour les paysagistes, les compositions historiques, comme ils les appellent, présentent un écueil redoutable, car il faut inventer un site, c’est-à-dire le composer avec des souvenirs divers ; et quelque bien meublée que soit la mémoire, elle vous abandonne parfois, et d’ailleurs ne peut guère suivre l’allure rapide de l’invention. Les Jardins d’Armide de M. Marilhat, no 1455, montrent un effet de soleil couchant assez juste de ton, mais dépourvu de transparence. Les arbres, et surtout ceux du second plan, sont d’une teinte trop uniforme, et manquent de cette physionomie