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comme un sillon de flamme, après avoir embrasé le champ destiné à alimenter le feu sacré. »

Ne pourrait-on pas traduire ainsi ce passage : Toute puissance émanée de Dieu, et versée dans le sein de l’homme, doit accomplir une mission sur la terre. La vie de l’homme qui en a été investi ne suffit pas pour la développer ; c’est pourquoi le pouvoir lui est donné de la fixer ici-bas, en la matérialisant dans une œuvre quelconque. Cette œuvre, qui survit à l’homme, ce n’est plus l’homme lui-même, c’est l’inspiration qu’il avait reçue, c’est l’esprit qui l’avait possédé durant sa vie. Cet esprit doit retourner à Dieu, car rien de ce qui émane de Dieu ne s’égare ou ne se perd. Mais, avant de remonter à son principe, cette parcelle de la Divinité doit embraser de nouvelles ames et contracter une sorte d’hyménée céleste avec elles. C’est alors seulement que sa destinée est accomplie, et que l’esprit créateur peut retourner à Dieu avec l’esprit engendré : de leur hyménée est sorti un esprit nouveau, qui, à son tour, accomplit une destinée semblable parmi les hommes. C’est ainsi que le génie est immortel sur la terre, comme l’esprit est immortel dans le sein de Dieu…

Oui, sans doute, telle était la pensée d’Adelsfreit, et je vois que le juif avait raison en disant que cette prétendue magie cache de grandes vérités. Je suis satisfait maintenant d’avoir étudié autrefois la langue cabalistique. Je suis sûr que je trouverai beaucoup de choses intéressantes dans ce livre.(Il lit encore.)

« Sept cordes présideront à ta formation, ô lyre magique ! Deux cordes du plus précieux métal chanteront le mystère de l’infini. — La première des deux est consacrée à célébrer l’idéal, la seconde à chanter la foi : l’une dira le ravissement de l’intelligence, l’autre l’ardeur de l’ame. Éclairée par ce spectacle de l’infini… » (Il laisse tomber le livre.) Il me semble que ceci rentre dans la nécromancie pure… Et pourtant, si l’on remonte à l’origine de la lyre, emblème de la poésie chez les anciens, on voit chaque corde ajoutée à l’instrument marquer un progrès dans le génie et dans la grandeur morale de l’homme. Chez les Chinois, les dieux même se chargent de révéler aux premiers législateurs le mystère important d’une nouvelle corde ajoutée à la lyre, emblème de la civilisation chez ce peuple laborieux et positif… Qui fera l’histoire de la musique ? Qui nous expliquera le pouvoir fabuleux que l’histoire poétique lui attribue sur les élémens, sur les peuples barbares, sur les animaux féroces ?… Un simple effet de sensation eût-il pu produire des résultats aussi puissans, quelque naturels qu’on les suppose, dépouillés de l’allégorie ? — D’où vient