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LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

albertus.

Je vous promets d’écouter avec la naïveté d’un enfant qui apprend à lire.

méphistophélès.

Eh bien ! apprenez à lire en effet. Étudiez ces parchemins, et puis après, vous examinerez attentivement cet instrument.

albertus, souriant.

Et c’est là tout ?

méphistophélès.

Je reviendrai vous expliquer le reste, quand vous aurez étudié votre leçon.

albertus.

Soit.

méphistophélès, à part.

Laissons-le à lui-même. Ma présence l’intimiderait et l’empêcherait de se livrer à la curiosité puérile qui le dévore. Sa gravité philosophique l’embarrasse avec moi. Seul avec lui-même, il va tourmenter la lyre comme un enfant qui arrache les plumes de l’aile à un oiseau, pour voir comment il s’y prend pour voler. Esprit qui m’as bravé, tu te crois sauvé par Hélène : je viens de te susciter un ennemi terrible, la froide curiosité d’un logicien ! (À Albertus qui rêve.) Je suis forcé de vous quitter, je reviendrai bientôt. Travaillez en m’attendant ; soyez sûr qu’il n’est pas de prodige qu’un esprit persévérant et consciencieux ne puisse comprendre.

albertus.

Je le crois aussi. Dieu vous garde !

méphistophélès.

Et vous aussi, à moins que le diable ne soit le plus fort ou le plus malin.(Il disparaît.)

albertus, seul.

Voilà un homme bizarre, un charlatan sans doute, un escroc peut-être ! Il m’allèche par ses contes, afin de me vendre chèrement ses parchemins ; n’importe : la vue n’en coûte rien, a-t-il dit. (Il lit les parchemins.) Eh ! mais voici quelque chose qui ne me paraît pas dépourvu de sens :

« Esprit qui m’anime, et qui veux remonter vers Dieu, je saurai te lier à la lyre. La trace du génie de l’homme est immortelle comme le génie lui-même ; elle est la semence qui doit féconder le génie des autres hommes, jusqu’à ce que, absorbée et transformée par lui, elle s’efface en apparence. Mais c’est alors qu’elle remonte vers le ciel