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LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

méphistophélès.

Vous travaillerez ! Et que savez-vous faire, ma belle enfant ?

hélène.

Hélas ! rien ; mais j’apprendrai, j’aurai du courage. Oh ! maintenant je sens le prix de l’éducation !

méphistophélès, ricanant.

Vous apprendrez la philosophie… hein ? Savez-vous ce qu’on gagne avec la philosophie ? des rhumatismes et des ophthalmies.

hélène.

Monsieur, vous êtes bien cruel !

méphistophélès.

Pas tant que vous croyez, mon enfant ; car je viens, comme je vous le disais, vous proposer une affaire. Vous avez un héritage, quoi que vous en disiez, outre vos beaux yeux et votre joli corsage, qui peuvent devenir un assez joli fonds de commerce…

hélène.

Monsieur, je vous prie de m’épargner vos plaisanteries. Je ne suis pas gaie.

méphistophélès.

De quoi vous fâchez-vous ? Étant aussi jolie, vous pouvez trouver un bon parti, et vous marier avantageusement. Mais allons au fait ; outre votre beauté et vos dix-sept ans, vous avez encore une lyre d’Adelsfreit ; c’est un instrument précieux, quoiqu’il soit en très mauvais état. Avec quelques réparations, je me fais fort de la vendre au moins 6,000 zwanzigs. Donnez-la-moi, et je déchire le billet de votre père, et je vous compte encore 1,000 zwanzigs pour votre toilette, qui est plus que modeste, à ce que je vois.

hélène.

La lyre ! vendre la lyre ! Oh ! c’est impossible ! Mon père y tenait plus qu’à sa vie. C’est la seule chose qui me reste de lui. Vous ne savez pas, monsieur, qu’il avait sur cet instrument des idées toutes particulières. Il pensait que c’était un talisman, et qu’elle lui portait bonheur.

méphistophélès.

Ce qui ne l’a pas empêché de se ruiner et de mourir de chagrin.

hélène.

Et il m’a recommandé plus de cent fois de ne jamais m’en séparer, quoi qu’il arrivât.