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LES SEPT CORDES DE LA LYRE.

de plus de moi, maître ? Si vous avez un disciple plus dévoué, plus respectueux, plus affectionné, préférez-le à moi ; car celui-là qui vous comprend le mieux est celui qui vous ressemble le plus, et celui-là est le meilleur d’entre nous. C’est peut-être Wilhelm, c’est peut-être Carl. Bénissez-les, mais ne me maudissez pas, car je vous aime de toute la puissance de mon être.

albertus.

Mon enfant, mon enfant, ne doute pas de ma tendresse pour toi. Doute plutôt de ma raison et de ma science. Maintenant parle… Tu as tes idées…

hanz.

Les voici. L’humanité est un vaste instrument dont toutes les cordes vibrent sous un souffle providentiel, et, malgré la différence des tons, elles produisent la sublime harmonie. Beaucoup de cordes sont brisées, beaucoup sont faussées ; mais la loi de l’harmonie est telle que l’hymne éternel de la civilisation s’élève incessamment de toutes parts, et que tout tend à rétablir l’accord souvent détruit par l’orage qui passe…

albertus.

Ne saurais-tu parler autrement que par métaphore ? Je ne puis m’accoutumer à ce langage.

hanz.

J’essaierai de prendre le vôtre. Nous concourons tous à l’œuvre du progrès, chacun selon ses moyens. Chacun de nous obéit donc à une organisation particulière. Mais nous avons une telle action les uns sur les autres, que l’on ne peut supposer un individu en dehors de toute relation d’idées avec ses semblables, sans supposer un individu existant dans le vide. Nous sommes donc tous fils de tous les hommes qui nous ont précédés et tous frères de tous les hommes qui vivent avec nous. Nous sommes tous une même chair et un même esprit. Pourtant Dieu, qui a fait la loi universelle de la variété dans l’uniformité, a voulu que de même qu’il n’y eût pas deux feuilles semblables, il n’y eût pas deux hommes semblables ; et il a divisé la race humaine en diverses familles que nous appelons des types, et dont les individus diffèrent par des nuances infinies. L’une de ces familles s’appelle les savans, une autre les guerriers, une autre les mystiques, une autre les philosophes, une autre les industriels, une autre les administrateurs, etc. Toutes sont nécessaires et doivent également concourir au progrès de l’homme en bien-être, en sagesse, en vertu, en harmonie. Mais il en est encore une qui résume la grandeur et le