Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.
166
REVUE DES DEUX MONDES.

poison dans les cœurs, mais tu ne saurais faire périr un insecte. Ta semence est stérile, si l’homme ne la féconde par sa malice, et l’homme est libre de faire éclore un démon ou un ange dans son sein.

méphistophélès.

Voilà mon homme qui s’éveille. Allons voir si je ne trouverai pas quelque mortel qui haïsse la musique autant qu’un diable, et qui m’aide à briser cette lyre.

(Il s’envole.)
albertus, s’éveillant.

J’ai entendu une musique céleste, et les merveilles de l’harmonie auxquelles je n’ai jamais été sensible viennent de m’être révélées dans un songe… Mais qui pourrait, dans la réalité, reproduire pour moi une telle harmonie ? Mon cerveau même n’en peut conserver la moindre trace… Il me semblait pourtant qu’à mon réveil je pourrais chanter ce que j’ai entendu… Mais déjà tout est effacé, et je n’entends que le cri perçant des coqs qui s’éveillent. Le jour est levé. Remettons-nous au travail, car les élèves vont arriver, et je ne suis pas prêt pour la leçon.

(On frappe.)

Déjà ! Tout professeur devrait avoir chez lui une fille à marier. L’ardeur que cela donne aux élèves pour fréquenter sa maison est vraiment merveilleuse ! Je ne sais pas si la philosophie y gagne beaucoup, et si le philosophe doit en être bien fier !

(Il va ouvrir.)

Scène IV.


HANZ, CARL, WILHELM, ALBERTUS.
albertus.

Soyez les bien-venus, mes chers enfans ! J’admire votre exactitude. Autrefois j’étais souvent obligé d’aller vous éveiller, et maintenant à peine me laissez-vous le temps de dormir.

hanz.

Mon cher maître, si nous sommes venus d’aussi bonne heure sans craindre de vous réveiller, c’est qu’en passant sous vos fenêtres nous avons entendu de la musique.

albertus.

Vous raillez, mon cher Hanz. Personne dans ma maison ne connaît la musique, et vous savez que je suis un barbare sous ce rapport.

wilhelm.

C’est précisément pourquoi nous avons été fort surpris d’entendre une harmonie vraiment admirable sortir de votre appartement. Nous avons cru que vous aviez enfin consenti à faire apprendre la musique