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choses qui tendrait à tromper le pays, à le décourager, à le priver de ses meilleures forces. Or, cette situation factice cessera dès qu’il se trouvera un ministère assez fort pour combattre ouvertement la fausse majorité de gauche, et lui montrer le néant de ses prétentions. Mais, pour première condition de succès, il faudrait dans ce ministère des hommes populaires et fermes à la fois, aussi éloignés de la droite que de l’extrême gauche, et franchement nous verrions avec douleur M. Thiers se refuser encore à prendre la part qui lui reviendrait dans une telle mission.

Si M. Thiers persistait à méconnaître les véritables influences politiques du pays, et à se lier à des minorités mal assorties et mal unies, il resterait un devoir à remplir à tous les hommes modérés. L’appel qui leur est fait en ce moment ne les trouvera sans doute pas sourds aux intérêts de la France ; il est bien temps que les intrigues cessent enfin pour faire place aux affaires ; il est bien temps de relever le pays qui tombe de découragement à la vue de tant de bruyantes impuissances. Une dernière combinaison est tentée en ce moment par le maréchal Soult. Les hommes qui doivent y concourir paraissent décidés à mettre de côté tous les sentimens personnels, toutes les suggestions de l’amour-propre, pour arriver plus tôt au dénouement de cette déplorable crise. Si cette combinaison échoue encore, il sera temps de se demander ce qu’a voulu faire la coalition, et si elle a réellement entraîné le pays, même pendant quelques jours. Cette dernière et dangereuse illusion dissipée, il sera plus facile de s’entendre. Les hommes politiques qui cherchent sincèrement à rendre la force et la régularité au gouvernement ébranlé, se souviendront peut-être alors qu’il est resté, à l’écart, un homme d’état pur de toutes les intrigues, que la considération publique dédommage bien amplement de toutes les attaques dont il a été l’objet. Les difficultés qui pouvaient exister entre lui et le maréchal Soult se sont bien aplanies depuis un mois, et il s’est placé assez haut pour que les questions de rang et de position soient faciles à résoudre. Mais, avant tout, il faut prouver à la France que la politique du 15 avril était moins l’objet des attaques de la coalition que les hommes qui la mettaient en pratique.

P. S. On nous apprend que la dernière tentative du maréchal Soult vient d’échouer. Nous voilà donc revenus plus que jamais aux incertitudes, nous ne voudrions pas dire aux intrigues, et il est devenu nécessaire de recourir aux expédiens qui eurent lieu au temps des disputes de Pitt et de Fox. L’Angleterre resta alors sept semaines sans ministère, et la crise eût duré plus long-temps, si George III n’eût déclaré enfin qu’il était las de toutes les entraves que les ambitions rivales lui opposaient, et n’eût menacé d’aller à Charing Cross, prendre pour ministres les premiers gentlemen qu’il rencontrerait. Ce fut là ce qui mit un terme à la crise. Nous verrons, au bout de sept semaines, si l’on aura pu s’entendre, et si le roi n’aura pas à choisir ses ministres parmi les meilleurs noms de l’armée et de la magistrature, sans s’arrêter aux candidats qui prolongent ainsi cette situation. Toujours est-il que le maréchal Soult, qui aurait pu maintenir le précédent cabinet en s’y associant, n’a pas su le remplacer par un autre. Il est donc devenu in-