Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
REVUE DES DEUX MONDES.

montagne viendrait à eux ? Eh bien ! ce miracle qui ne s’est pas fait, nous le déclarons hautement, il ne se fera pas. La France, la chambre, ne sont pas de la gauche, ainsi que l’entendent M. Odilon Barrot et son parti, même amendés, et elle n’ira pas à eux, parce que ses intérêts les plus pressans, sa prospérité, la paix qui est aujourd’hui sa force, sont évidemment ailleurs. Libre à M. Odilon Barrot et à la gauche de venir à la majorité et de se ranger à ses opinions, comme ils ont déjà essayé de le faire tout récemment ; mais il n’est pas juste de vouloir entrer en dominateurs dans un parti, quand on vient y chercher un refuge, et il est temps d’en finir de toutes ces déclamations à l’aide desquelles on voudrait abuser la majorité du pays, et la soumettre à une minorité qui a encore décru depuis peu de jours, par la séparation presque définitive de l’extrême gauche, et des partis légitimiste et républicain.

Vous dites que la France est du centre gauche, dit de son côté le journal qui représente les opinions de M. Mauguin. — Allez donc à Rouen, et si M. Thiers y reçoit un accueil semblable à celui qui a été fait à M. Laffitte, nous serons de votre avis. — L’extrême gauche, on le voit, a aussi ses prétentions à exprimer les opinions de la majorité de la France, et tout peut se soutenir, en effet, après des élections qui ont été le résultat d’une coalition légitimiste et républicaine. Toutefois, la chambre ; plus fractionnée seulement, n’est pas de la gauche, et si elle s’entendait avec M. Thiers, elle ne s’entendrait pas avec M. Odilon Barrot.

Hier, quatre-vingt-dix-sept députés se sont réunis chez M. Odilon Barrot pour déclarer qu’un ministère émané de la gauche serait seul la représentation exacte de la France électorale. Ces députés n’ont fait que répéter ce que disent chaque jour les feuilles de leur parti, et ils n’ont fait, en réalité, qu’un article de journal de plus. Une feuille de la coalition les loue de n’avoir pas formulé leur opinion en un vote qui aurait pu mettre de nouvelles entraves aux affaires. Nous ne voyons pas ce que le vote de quatre-vingt-dix-sept députés réunis chez M. Odilon Barrot pourrait avoir de décisif dans un gouvernement de majorité. Au contraire, plus on se comptera, plus on émettra de votes clairs, plus on montrera ses forces à découvert, et plus il sera facile de s’entendre. Or ici, il s’agit tout simplement de savoir si la France et la chambre obéiront aux quatre-vingt-dix-sept députés de M. Barrot.

Hâtons-nous de remarquer que cette réunion ne représente rien au-delà. M. Mauguin, M. Laffitte, M. Arago et leurs amis ne voteront avec les quatre-vingt-dix-sept amis de M. Odilon Barrot qu’autant que ceux-ci ne représenteront pas la majorité et la France électorale, c’est-à-dire qu’ils combattront avec eux tant qu’ils seront dans l’opposition, et qu’ils les aideront à détruire le gouvernement, mais non à gouverner. Si M. Odilon Barrot et ses quatre-vingt-dix-sept pouvaient faire admettre, comme ils le disent, qu’ils sont la représentation exacte de la France électorale, ils auraient à l’heure même contre eux tous les partis qui ne veulent pas de la France électorale telle qu’elle est, qui ne l’admettent pas même en principe, et ils se trouveraient isolés des républicains, des légitimistes, de la gauche prononcée, de tous ceux enfin qui font la force numérique du parti à la tête duquel figure