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LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

d’hommes d’état, une persévérance dans les conseils, dans les maximes et dans les vues, qui ont provoqué chez ceux qui devaient la combattre l’esprit politique et l’art de conduire les hommes et les affaires ; elle instruisait ses vainqueurs à venir ; elle a donc élevé les esprits et les questions, soulevé de grandes luttes, des passions énergiques, fait monter l’ambition jusqu’à l’héroïsme, jusqu’au martyre, et donné à l’Europe moderne le premier spectacle de la puissance des idées à remuer le monde.

Que reste-t-il aujourd’hui de tant de travaux, de mouvemens et de combats ? Le prêtre dans son indépendance, l’orthodoxie catholique avec sa rigide immobilité ; une grande majesté de traditions, un culte pompeux et poétique, un centre commun pour toutes les églises qui n’ont pas brisé au XVIe siècle les liens de l’antique hiérarchie. Assurément, ces résultats sont notables et salutaires, et cependant on serait tenté de les trouver petits, si on les compare aux desseins et aux désirs de Grégoire VII et d’Innocent III. Il y a deux parts dans l’histoire humaine, celle de Dieu, celle de l’homme ; celle de la raison générale par laquelle est décrété l’ordre universel, celle de la volonté particulière qui fait un mélange dramatique des vues de l’intelligence et des mouvemens des passions. La comédie est donc divine par le nœud et par l’idée, mais elle est pleine de détails, d’incidens, d’intrigues, d’aventures, qui égaient ou ensanglantent la scène sans pouvoir s’élever à la vérité des résultats nécessaires.


Lerminier.