Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
LA PAPAUTÉ AU MOYEN-ÂGE.

au surplus ils se partagèrent eux-mêmes en des sectes nombreuses. M. Hurter s’est livré, sur ces hérésies, à de curieuses recherches. Mais si l’erreur des Catharéens tombait surtout sur le dogme, il y avait une autre grande secte qui attaqua principalement l’église au point de vue de la vie pratique. L’historien d’Innocent III raconte comment Pierre Waldo, riche bourgeois de Lyon, et ses disciples dirigèrent leur agression contre l’église visible. Elle a été corrompue, disaient-ils, par les possessions temporelles, tandis que chez eux, au contraire, on peut trouver la doctrine du Christ et des apôtres en paroles et en actions. Aussitôt qu’Innocent fut élevé sur le siége apostolique, il s’occupa des sérieux dangers que courait l’église, de l’audace avec laquelle l’hérésie levait la tête ; il considérait qu’elle avait été adoptée dans le midi de la France par presque toute la noblesse, que les plus grands seigneurs lui accordaient protection, qu’elle comptait des adeptes même parmi les abbés et les chanoines, et qu’elle se propageait rapidement dans la Haute-Italie. Aussi voulut-il consacrer toutes les forces de l’état romain et des autres pays chrétiens à la détruire ; on peut dire qu’elle avait trois capitales, la ville de Léon en Espagne, Toulouse en France, et Milan en Italie. Déjà, pour le midi de la France, le pape Alexandre III avait convoqué un synode à Albi en 1176, et, deux années plus tard, envoyé un cardinal et un abbé de l’ordre de Citeaux à Toulouse, pour ramener les hérétiques par une discussion pacifique. Efforts inutiles ! Toulouse s’entêtait de plus en plus dans l’hérésie. Les franchises municipales dont jouissait cette cité rendaient ses habitans orgueilleux et indociles aux ordonnances de l’église. Les hérétiques avaient pour protecteurs le vicomte Raymond Roger de Beziers, seigneur de Carcassone, le vicomte de Béarn, le comte de Comminges, le comte de Foix, et le comte d’Armagnac. À la cour de chaque seigneur provençal, des troubadours se réunissaient qui répandaient leurs railleries sur les choses saintes, sur les évêques et les prêtres, sur les moines et les nonnes. Les chevaliers ne vouaient plus leurs fils à l’état religieux ; presque tous les seigneurs ne présentaient aux évêques que des fils de fermier pour devenir curés, et, d’après l’ancien proverbe : J’aimerais mieux me faire juif que de faire telle ou telle chose, la noblesse disait : J’aimerais mieux me faire prêtre. Enfin, Innocent III représenta au roi de France que le temps était venu où le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel devaient coopérer ensemble pour la défense de l’église et se prêter un mutuel appui, afin que le bras séculier écrasât ceux qui ne se laisseraient pas retirer du péché par la doctrine ecclésias-