Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 18.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
REVUE DES DEUX MONDES.

ses richesses, à ses plaisirs, aux émotions nouvelles que devait leur donner la ville aux deux mers, non moins illustre que Rome, aussi chrétienne que Jérusalem, voluptueuse comme Babylone. Il faut lire, dans M. Hurter, la description de Byzance, morceau traité par l’historien avec l’érudition la plus pittoresque. Quelle impression, remarque-t-il avec vérité, ne devait pas exercer sur les esprits des chevaliers habitués à la solitude de leurs châteaux, ou à la pauvreté des villes occidentales, cette cité impériale, qui n’était qu’une suite de palais, d’églises, de couvens dans lesquels des milliers de religieux se consacraient au service de Dieu ! Et leur surprise en contemplant les chefs-d’œuvre qui avaient orné Rome et les villes de la Grèce ! Si les Latins avaient pris Constantinople malgré le pape, ce dernier ne devait pas moins chercher à tirer profit de cet événement inattendu. Il reçut d’Alexis la promesse de reconnaître le pape comme successeur du prince des apôtres, et d’employer tous ses soins à soumettre l’église d’Orient au saint-siége. Plus tard, il s’étonne que le patriarche n’ait pas encore fait acte d’adhésion et d’obéissance à l’église romaine en demandant le pallium. Quand Baudoin fut élevé au trône de Byzance par ses pairs, il écrivit au pape, à l’empereur d’Allemagne, à tous les évêques, pour les engager à exciter parmi les habitans de l’Occident de tout rang et de tout sexe, parmi les nobles et les roturiers, le désir de venir prendre part aux immenses trésors temporels et spirituels que renfermait sa capitale. Il pensait que le saint-père contribuerait à sa propre gloire et à celle de l’église universelle, en convoquant un concile à Constantinople, en l’honorant de sa présence et en réunissant la nouvelle Rome à l’ancienne. Il invita des maîtres et des disciples de Paris à se rendre en Grèce pour restaurer les sciences dans le pays qui avait été leur berceau. Outre les richesses spirituelles, leur mandait-il, les avantages temporels vous attendent en foule. Plus tard, il envoya un grand nombre de jeunes Grecs à Paris, afin de s’instruire dans les arts, les sciences, et le service divin de l’Occident. Innocent répondit qu’il mettait l’empire de Baudoin sous la protection de saint Pierre, il l’engagea à ne rien négliger pour la réunion des deux églises. « À présent, dit-il, Samarie s’adressera à Jérusalem, et personne ne cherchera plus le Seigneur à Dan ou à Bethel, mais tout le monde ira à Sion. » Un nouveau patriarche fut ordonné à Constantinople ; il reçut le pallium et prêta serment d’obéissance au siége apostolique ; il reçut expressément du pape le privilége de couronner les empereurs grecs. Venise était alors si puissante à Byzance, qu’elle avait arraché au