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de l’Évangile, bien ou mal fondée sur la parole de Jésus-Christ, c’est une question d’un haut intérêt, qui appartient à la polémique théologique, mais dont l’histoire n’a pas à s’occuper. Il suffit à l’histoire de savoir que cette croyance dominait à une époque, et se liait à une institution qui exerçait une souveraine et universelle influence. » Nous ne pouvons qu’applaudir à tant de sagacité et répéter, avec l’écrivain de Schaffhouse, qu’il n’est rien de plus injuste que de répudier les plus hautes qualités de l’intelligence et du caractère, uniquement parce que nous n’approuvons pas les formes extérieures et les circonstances accidentelles avec lesquelles elles ont dû se manifester. Il n’y a donc pas trace, dans le livre de M. Hurter, des opinions et des principes du protestantisme ; il nous peint naïvement l’institution catholique dans sa puissance et son génie ; il raconte, il ne critique pas ; même on se surprend à trouver cette impartialité excessive, et cette absence complète d’appréciations rationnelles tourne, pour l’esprit, en une déception qui l’impatiente parfois. On ne peut écrire sur les institutions, les idées et les hommes, sans les juger et sans prendre parti. Si M. de Barante a pu appliquer à l’histoire, comme il l’a fait avec tant d’éclat, la méthode purement narrative, c’est qu’il a su choisir avec un tact exquis une époque où les évènemens sont tous pittoresques, où les croyances du moyen-âge sont déjà tombées dans le chaos, où les idées modernes ne règnent pas encore, où tout aboutit presque toujours à des voies de fait, à des guerres entre la France et l’Angleterre, à des batailles en Flandre, à des scènes d’anarchie civile, à des jeux et à des champs-clos de chevalerie. Mais le XIIIe siècle ne peut se contenter d’une chronique ; il lui faut une histoire, parce qu’il a remué les croyances et les idées les plus profondes de l’humanité. Mais, prenons le livre de M. Hurter, tel qu’il lui a été donné de le concevoir et de l’exécuter ; prenons-le avec les qualités précieuses d’une érudition tout ensemble intelligente et candide, avec des défauts dont le génie pouvait seul se préserver, et, tel qu’il est, sachons en profiter et en jouir.

Le biographe d’Innocent III commence son livre par des détails sur la jeunesse du grand pape dont il va dérouler l’histoire. L’origine des Conti, aïeux d’Innocent, remonte à une époque beaucoup plus reculée que celle indiquée par les documens écrits qui existent encore. Du jour où elle se fixa à Rome, cette famille brilla pendant six siècles du plus vif éclat. Au XIIe siècle, un de ses rejetons, le comte Trasmondo, épousa une Romaine, nommée Claricie, de la maison des Scotti ; il eut de ce mariage une fille et quatre fils dont le plus