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La Vallière et complétée par la Dame de Lyon, il se résignerait à multiplier des preuves désormais inutiles, s’il n’avait aperçu, dans les critiques dirigées contre ses ouvrages dramatiques, un levain d’inimitié politique. Ceux qui n’admirent pas les pièces de M. Bulwer sont tout simplement mécontens de ses discours au parlement. Jusqu’à présent, les débats de la chambre des communes n’avaient jeté aucun jour sur l’importance politique de M. Bulwer ; personne en France ni de l’autre côté du détroit ne songeait à lui donner une part dans les destinées de la Grande-Bretagne, et voici que dans une préface il nous révèle toute la grandeur de son rôle public. Nous ne voyions en lui qu’un faiseur de contes, et nous ignorions l’action qu’il exerce sur le gouvernement de son pays ; il a fallu que la Dame de Lyon fût rangée parmi les ouvrages médiocres pour que M. Bulwer nous donnât le secret de son importance politique. Littérairement, l’argument n’a pas grande valeur, mais il a du moins le mérite de la nouveauté, et nous le recommandons aux poètes mécontens et méconnus comme une consolation toute trouvée pour les blessures faites à leur amour-propre. Désormais un auteur sifflé, ou dont la pièce aura été jouée devant les banquettes, se réfugiera dans son importance politique. Il n’aura pas même besoin, pour invoquer l’argument inventé par M. Bulwer, de siéger sur les bancs de la chambre ; il lui suffira d’être électeur, ou d’avoir écrit une douzaine de pages sur les discussions parlementaires. Nous espérons que cette recette ne passera pas inaperçue et trouvera de nombreuses applications.

Quant à nous, qui n’avons jamais compté M. Bulwer parmi les orateurs de la chambre des communes, nous pouvons juger la Dame de Lyon en toute liberté. Pour être juste envers lui, nous n’avons besoin de réprimer aucune rancune. Le sujet de cette pièce est emprunté à un recueil de contes que nous ne connaissons pas ; il nous est donc impossible de juger si M. Bulwer a enrichi ou appauvri la donnée qu’il avait choisie. L’action se noue et se dénoue entre trois personnages : Pauline Deschapelles, Beauséant et Claude Melnotte. Les autres acteurs, tels que le père et la mère de Pauline, Glavis, ami de Beauséant, et la mère de Claude Melnotte, jouent un rôle tellement secondaire, qu’il suffit de les nommer. La pièce embrasse un espace de deux ans et demi, de 1795 à 1798. Le second titre : Amour et Orgueil, résume d’une façon vulgaire, mais assez nettement, les ressorts que M. Bulwer a mis en jeu. On a voulu trouver une ressemblance frappante entre la Dame de Lyon et Ruy Blas ; cette ressemblance purement fortuite, nous n’en doutons pas,