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REVUE. — CHRONIQUE.

que, livré à sa propre influence, M. Molé se hâterait d’accomplir ce grand acte de clémence et de conciliation devant lequel avaient reculé ses prédécesseurs. Enfin nous annoncions que le ministère du 15 avril serait une administration modérée, loyale, une administration d’hommes probes et droits, dont la parole serait comptée en France et en Europe, et l’évènement ne nous a pas démentis. Ce n’est pas le moment de réclamer justice pour les ministres sortans. Pour qu’on la leur rende, nous attendrons qu’ils aient des successeurs, et malheureusement pour ceux-ci, le temps de subir à leur tour l’injustice semble déjà proche.

À l’heure qu’il est, notre devoir est d’embrasser plus que jamais la défense des principes que nous avons soutenus. Ces principes sont ceux qui ont été professés au 22 février comme au 15 avril. Ils impliquent la fidélité aux traités, tant qu’une ou plusieurs des puissances signataires ne les auront pas annulés ; le maintien de la loi électorale, qui a suffi, ce nous semble, à tous les besoins démocratiques dans les dernières élections ; le maintien des lois de septembre, sans lesquelles les institutions et la monarchie seraient livrées aux attaques des partis extrêmes, devenus plus nombreux dans la chambre ; le maintien de la loi des associations, et enfin la réalisation de la politique extérieure dont les bases ont été posées par M. Molé en 1831, et reprises au 13 mars, après le ministère de M. Laffitte, par Casimir Périer. Quel que soit le ministère qui cédera à la gauche sur ces divers points, il nous aura pour adversaires, et, avec nous, une forte majorité dans les deux chambres, nous l’espérons. Un ministère du centre gauche, tel que celui qu’on s’apprête à former, ne peut vouloir que ce que nous désirons ; nous sommes prêts à défendre ces choses avec lui et pour lui, s’il le faut. Si c’est là s’engager à défendre tout le monde, c’est que tout le monde voudra sans doute ce que nous voulons ; et dans ce cas, nous nous en félicitons, et nous en félicitons surtout la France, qui s’en trouvera bien.


P. S. Nous n’ajouterons rien aux nouvelles publiées par les journaux qui annoncent que des difficultés insurmontables se sont élevées entre la gauche et les doctrinaires, au sujet des portefeuilles de l’intérieur et des finances, que le parti doctrinaire réclamait pour M. Guizot et pour M. Duchâtel. Aujourd’hui, sur l’invitation de M. le maréchal Soult, M. de Montalivet a transmis par le télégraphe, à M. Humann, l’invitation de se rendre à Paris, pour s’entendre avec les chefs de la coalition, qui se proposent de lui offrir le ministère des finances. Toutefois, l’état actuel de l’atmosphère ne permet pas d’espérer que la dépêche télégraphique parvienne plus rapidement que la voie des courriers ordinaires. Plusieurs jours s’écouleront donc avant que M. Humann puisse se rendre à Paris. M. Dupin a été également invité à se rendre à Paris, où l’on espère lui faire accepter le ministère de la justice. Mais une lettre de M. Dupin a été reçue ce matin même, où il annonce l’intention de se tenir à l’écart de toute combinaison ministérielle, et même de renoncer à la présidence de la chambre. M. Dupin déclare, dans cette lettre, se renfermer dans ses fonctions de procureur-général, et re-