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HISTOIRE DE FRANCE.

coururent de nouveau aux armes, et une troisième guerre civile désola le pays. L’assassinat de Concini la termina : sur l’espoir de se saisir sans partage de l’autorité du roi, les grands firent un acte momentané d’obéissance.

Mais les choses prirent une tournure à laquelle ils ne s’étaient nullement attendus. Louis XIII, alors âgé de seize ans, majeur, déclaré par la fiction de la loi en état de régner par lui-même, voulut saisir le sceptre, non pour le garder, mais pour en gratifier qui bon lui semblerait. Dans toute la France, personne ne lui déplaisait plus que sa mère, qu’il soupçonnait d’en vouloir à son autorité et même à ses jours ; personne ne lui agréait plus que Luynes. Il lui remit donc la plénitude de sa puissance. Alors nouvelles intrigues, nouveaux complots, et deux nouvelles guerres civiles. La reine-mère, échappée de Blois, où on l’avait reléguée, jetée entre les bras des princes et des seigneurs qu’elle combattait naguère, prétendait remettre son fils en tutelle et ressaisir la direction des affaires. Les princes et les grands n’entendaient pas plus obéir à l’apprivoiseur d’oiseaux du roi qu’au favori de la reine-mère. Le roi vainquit sa mère et les seigneurs, et fut un peu moins avancé qu’auparavant dans l’affermissement de son autorité et de l’ordre public. Il accorda à sa mère le gouvernement d’Anjou, paya les dettes contractées par elle pour lui faire la guerre, distribua des sommes énormes, des accroissemens de dignités et de gouvernemens à tous les rebelles, et, par une déclaration enregistrée dans les parlemens, déclara qu’il n’avait rien été fait qui fût contraire à son service, et qui ne lui fût agréable. C’était une prime générale distribuée à la révolte ; et il n’y avait pas de raison pour que désormais on ne lui donnât point, une ou deux fois chaque année, un agrément pareil, pour que l’on ne renouvelât pas incessamment la drôlerie du Pont de Cé.

Ajoutez que Luynes s’était imaginé, pour étayer sa scandaleuse puissance, de gagner le clergé et les jésuites, en retirant aux huguenots les biens ecclésiastiques du Béarn, et en les restituant aux catholiques. En réalité, les réformés n’avaient pas un mot à dire, pas une réclamation légitime à élever, puisque le gouvernement leur payait l’équivalent de ces biens en une rente annuelle sur le trésor, puisque leur religion et leurs priviléges étaient respectés. Cependant les chefs parvinrent à les inquiéter sur leur état ; et comme la rébellion n’avait été jusqu’à présent qu’un passe-temps sans danger, une partie où l’on ne risquait ni sa fortune ni sa vie ; comme il fallait que chacun eût sa révolte, les réformés se donnèrent le plaisir de s’insurger à leur tour. De là la guerre de 1621, la sixième guerre civile. Celle-là fut un peu moins plaisante que les précédentes, car le roi perdit huit mille hommes et ses meilleurs chefs au siége de Montauban ; mais elle se termina comme toutes les autres. Louis XIII acheta 1,200,000 livres le désarmement de Laforce et de Châtillon, et ne prévint la défection de Lesdiguières qu’en lui accordant la charge de connétable. Rohan traita de couronne à couronne avec lui : pour son parti, il stipula une amnistie générale, la confirmation de l’édit de Nantes et de tous les autres priviléges des réformés : il exigea 800,000 livres pour lui-même, et s’enrichit dans le jeu lucratif de la révolte.