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pée dans ses espérances, éclata en plaintes : d’innombrables libelles parlèrent chaque jour du désespoir du peuple. Le parlement craignit un soulèvement général, et, pour le prévenir, résolut de donner satisfaction à l’opinion publique. Dans les premiers mois de 1615, il convoqua une assemblée des princes et des pairs du royaume, pour aviser au soulagement des sujets du roi. Bientôt après il présenta des remontrances dans lesquelles il reproduisait les principales propositions de 1614. Si, dans l’intervalle d’une session à l’autre, les pairs du royaume et le parlement pouvaient exécuter les réformes proposées, évidemment les états-généraux perdaient ce qu’ils avaient eu jusqu’alors d’illusoire. Un arrêt du conseil du roi cassa la décision du parlement, qui eut le bon sens alors d’éviter ce qu’il fit plus tard, au temps de la Fronde : il n’organisa pas une guerre civile ; il craignit de jeter le pays dans des maux incalculables. Les ministres de Marie de Médicis ne se piquèrent pas d’exécuter de leur plein gré ce que l’on se faisait scrupule de leur imposer par la force. Dès-lors les projets de réforme furent abandonnés et ajournés, quelques-uns au ministère de Richelieu, la plupart au règne de Louis XIV et à la révolution de 89.

L’insuccès de la double tentative du tiers-état de 1614, et ensuite du parlement, pour établir un ordre meilleur, eut les plus funestes conséquences. De trois appuis du gouvernement de Henri IV, la force, l’amour des masses, l’estime pour les actes et pour la personne du prince, le gouvernement de Louis XIII n’en conserva pas un, et dès-lors de nouveaux troubles devinrent inévitables. Les pensions abusives continuant à être payées, et les favoris de cour puisant à pleines mains dans le trésor, la régente, au milieu du désordre des finances, fut hors d’état d’entretenir une force militaire capable de prévenir la révolte et de la réprimer une fois assez énergiquement pour qu’on n’y revînt plus. La condition des classes inférieures n’ayant pas été améliorée, le peuple regarda, sans grande émotion, surtout au commencement, la lutte entre un gouvernement qu’il ne pouvait ni aimer ni estimer, et des ambitieux dont il devinait les desseins. Les princes du sang et les principaux seigneurs, agités par l’ambition et l’orgueil, prétendirent accroître leurs priviléges et leur indépendance, et partager la direction des affaires. En supposant que la régente refusât de leur faire part de la toute-puissance, ils voulaient au moins ne pas obéir à un Concini, à ce faquin de Florentin qui n’avait d’autre recommandation à l’exercice temporaire de l’autorité royale que la passion ou au moins la faveur aveugle d’une femme ; abus vivant de la prérogative, qui devint maréchal de France sans avoir jamais tiré l’épée, et premier ministre sans connaître une seule des lois du royaume.

La première guerre civile, depuis les états de 1614, se termina en mai 1616, par le traité de Loudun. La régente, pour désarmer les révoltés, leur donna six millions, et offrit à Condé, leur chef, de lui abandonner la moitié du pouvoir royal, sous condition qu’il laisserait l’autre moitié à son favori Concini. Condé voulut tout prendre, et fut enfermé à la Bastille. Ses partisans