Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 17.djvu/803

Cette page a été validée par deux contributeurs.
799
LA HONGRIE.

qu’à mourir noblement. Un grand nombre de magnats, des évêques et vingt-trois chevaliers de Malte perdirent glorieusement la vie dans cette triste affaire.

Notre bateau se remit en marche au point du jour. De Péterwaradin à Belgrade, la rive droite est fort pittoresque. La célèbre citadelle de Péterwaradin, élevée sur un promontoire qui domine le cours du fleuve, présente avec orgueil son triple front de murailles immortalisé par le prince Eugène. On raconte qu’un Anglais fut tellement ravi du panorama du Bosphore, que, pour conserver toutes ses illusions, il passa outre sans vouloir descendre à terre. J’aurais aussi dû me contenter d’admirer Belgrade de la plage de Semlin. Le Danube décrit, entre Semlin et Belgrade, un demi-cercle dont ces deux villes occupent les extrémités ; elles sont donc sur la même rive par rapport au fleuve, mais l’embouchure de la Save les sépare entièrement.

La vieille forteresse, sanglant théâtre de tant d’assauts, la ville avec ses blancs minarets et ses maisons qui semblent sortir chacune d’un bosquet délicieux, les riches collines des environs ; tout cela, par un beau soleil, est d’un effet enchanteur. On pense aux Mille et une nuits, aux séraïs des vizirs, aux jardins embaumés de citronniers et d’aloès, en un mot à l’Orient et à ses délices ! Quel triste réveil quand on débarque sur la rive servienne ! Le médecin et les gardes du lazaret, qui, armés de longues baguettes, accompagnent les voyageurs, leur apprennent déjà que la peste et toutes les maladies contagieuses enfantées par la corruption désolent souvent ce pays pour lequel, cependant, le ciel a tout fait.

Le quai de Belgrade n’est qu’un marais fangeux sans cesse remué par des troupeaux de porcs et des nuées de corbeaux, et les fenêtres d’un hôpital s’ouvrent sur ce cloaque, tout exprès pour en recevoir les exhalaisons malsaines.

Nous montâmes d’abord à la forteresse, qui est restée au pouvoir des Turcs, quoique la ville appartienne au prince Milosch. Les crevasses des murailles ressemblent de loin à de nobles cicatrices ; mais on voit bientôt qu’elles ne sont que des ruines honteuses. La dernière ligne de remparts s’écroule de tous côtés, les Turcs laissent à Allah le soin de la relever. Milosch, pour ne pas rompre le dernier lien qui l’attache à Constantinople, consent à l’occupation de la forteresse par une garnison turque ; mais, d’un jour à l’autre, il lui serait facile de s’en emparer : la famine d’ailleurs, ne tarderait pas à soumettre les assiégés. Les soldats de Mahmoud, mal payés, mal nourris, mal