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LA HONGRIE.

comment l’opinion publique s’était préoccupée des futurs travaux de l’assemblée nationale : aussi l’idée vint-elle à plusieurs membres de la seconde table de donner au corps électoral les moyens de suivre les débats parlementaires, en fondant un journal de la diète ; mais le comité de censure de Pesth ne permit pas de reproduire le compte-rendu des séances. La seconde table ne se découragea point. Les députés ouvrirent une souscription pour l’achat d’une presse lithographique qui fut établie dans le palais même des états, et de nombreux exemplaires du journal se répandirent en Hongrie. L’alarme fut vive à Vienne, et bientôt on décida que la lithographie étant une espèce d’imprimerie, ses produits devaient être soumis aux censeurs impériaux : c’était tuer le journal, on le croyait du moins ; mais la liberté fut plus tenace et plus habile que le despotisme. Un avocat, M. Kossuth, membre de la deuxième table, aidé d’un assez grand nombre de jeunes gens des écoles, prit le parti de sténographier les séances ; le soir, il en résumait les discussions avec d’autres avocats qui allaient, munis chacun d’un exemplaire du manuscrit définitif, le dicter à des étudians et à des écrivains de bonne volonté. Tous les jours les cercles de Pesth, les comitats, les membres de la diète, etc., recevaient le compte-rendu de la séance de la veille. M. de Metternich s’avoua vaincu ; ses agens, toutefois, recoururent aux petits moyens : les papiers suspects étaient décachetés à la poste, et de temps à autre on avait le bonheur de supprimer les numéros du journal séditieux, malgré les soins avec lesquels on déguisait les enveloppes. M. Kossuth ne voulut pas même laisser au pouvoir cette consolation ; il fit décréter que sa feuille serait colportée par les hussards du comitat, et pendant les quatre années que dura la diète, elle ne cessa de paraître.

Malheureusement des esprits turbulens et inquiets ont voulu profiter de l’espèce d’excitation que les réformes, même les plus sages, produisent toujours dans les masses. Un parti, dont les opinions exaltées ne peuvent être que contraires au progrès de la Hongrie, a tenté de réveiller les jalousies de la petite noblesse et de soulever les paysans contre leurs seigneurs. Des révoltes, en effet, ont éclaté sur divers points ; mais la force légale les a comprimées, et la noble conduite des grands propriétaires, lors de l’inondation de mars 1838, a prouvé aux pauvres que les riches étaient leur providence.

Le pouvoir de la haute classe est trop réel, son influence trop grande, les moyens de répression trop prompts, pour qu’elle ait à