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LA HONGRIE.

or ou papier, qu’importe ? Nous serions à notre aise sans les impôts… l’impôt sur le sel surtout, mes amis ! Ah ! chers amis, qu’il y aurait de choses à dire sur le sel ! C’est l’administration étrangère qui nous appauvrit ; les douanes, les monopoles, que sais-je encore ? Tels sont nos véritables maux ! Savez-vous quel est notre ennemi ? c’est notre maître ! »

N’est-ce pas là le spirituel croquis d’une de ces réunions d’excellens politiques qui, pour chasser les ennuis d’une longue soirée d’hiver, devisent des choses de l’état, sans donner plus de suite à leurs idées qu’à leurs discours ?

Mais M. de Széchényi ne se contente pas de signaler le mal, il en indique la source et le remède. Il passe rapidement en revue tout ce qui, dans les institutions actuelles, empêche le crédit public de se fonder, et de propager en Hongrie les bienfaits qu’il a répandus dans la plus grande partie de l’Europe. Et d’abord, il attaque avec force le maintien des corvées. Les paysans doivent au seigneur cinquante-deux jours de travail, sans compter les nombreuses corvées de transport, de voirie, etc., etc. — L’église, de son côté, prescrit l’observation des dimanches et des fêtes, et la meilleure moitié de l’année est ainsi perdue pour le laboureur.

Voilà, continue M. de Széchényi, voilà sa perte ; quel est votre gain ? Personne n’ignore que nos paysans, avec leurs chevaux et leurs vieux outils, avancent moins les travaux en trois jours que des manœuvres en un seul. Qu’est-ce qu’un ouvrage de corvée ? Une méchante besogne, suivant le proverbe. Laissant de côté bien des considérations importantes, je ne consulte ici que votre intérêt seul. Pensez-vous que vos terres cultivées de cette façon vous donnent les belles récoltes dont le ciel récompense le travail intelligent ? Mesurant votre droit sur votre profit, pouvez-vous donc priver le paysan de cent journées qui en valent à peine trente pour vous ? Mais, sachez-le bien ! annuler ainsi pour deux tiers chaque année le travail de tout un peuple, c’est un monstrueux suicide !

J’arrive au privilége des nobles de ne point payer d’impôts. Je marche sur des charbons ardens ; mais, quand je devrais irriter toutes les passions, je ne cacherai point ma pensée. Si l’Autriche, hors de la diète, députait vers nous ses commissaires et nous disait : — Mes amis, il faut payer pour avoir. Comment administrer votre pays, entretenir vos routes, vous percer des canaux, vous construire des ponts comme à vos frères de Bohème qui donnent de l’argent à cet effet ? Vous restez sans communications, vos chemins sont crevas-