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En Hongrie, jusqu’à ces dernières années, le commerce, effrayé par la guerre, a été languissant. Les Juifs, qui depuis leur dispersion ont toujours souffert pour l’amour du lucre, qui partout et dans tous les temps se retrouvent avec le même caractère avide et rampant, et qui, sans sourciller, courent au martyre là où il y a de l’or à gagner, les juifs seuls ont osé se livrer à des spéculations commerciales. La richesse a été le prix de leurs efforts ; mais leur religion leur ferme la carrière politique. La phase nouvelle que la nation hongroise va parcourir augmentera la force de la bourgeoisie, qui n’est encore représentée que par quarante villes royales. L’organisation administrative et judiciaire de ces villes se distingue entièrement de celle des comitats. Elle se compose d’un sénat dont tous les membres, élus à vie par les citoyens, sont seuls appelés aux charges municipales. Tous les trois ans on choisit parmi eux le consul, le juge, le capitaine et le castellan de la cité. Le consul administre les biens communaux ; ses fonctions offrent beaucoup de ressemblance avec celles de nos maires. Le juge, comme son titre l’indique, préside aux débats judiciaires ; dans les causes minimes, il prononce seul ; dans les autres, il se fait assister par plusieurs hommes de loi. L’appel de ses décisions est porté à la table tavernicale, tribunal particulier, qui, je crois, n’existe nulle part ailleurs qu’en Hongrie. Ce tribunal est formé par la réunion des députés des villes royales et présidé par le tavernicus, magistrat élu comme les autres. Cette cour, qui, selon moi, mérite à plusieurs titres beaucoup d’attention, tient ses séances à Pesth, deux fois dans l’année. Les plaideurs peuvent encore recourir de ses décisions à la table septemvirale, organe de la justice du roi. Enfin, les deux autres officiers municipaux, le capitaine et le castellan, ont pour devoir, l’un de veiller au maintien de l’ordre et de la police, et l’autre de commander la garde bourgeoise.

Tous ces pouvoirs, si divers d’origine, si gênés dans leur marche par d’inévitables conflits, se retrouvent encore en présence à l’assemblée nationale. La diète hongroise ne fut, pendant long-temps, qu’une prise d’armes. L’immense plaine de Räkos, bornée au nord par les montagnes de Vatzen et de Tokay, s’étend vers le sud jusqu’à Belgrade ; c’est dans ce Champ-de-Mars que, sous le pennon royal, se réunissait toute la noblesse, c’est-à-dire l’armée conquérante. Les magnats, dans un conseil de guerre tenu par le souverain, arrêtaient les plans de campagne, et les simples chevaliers les acceptaient en poussant un formidable hourra. Mais les temps héroïques passèrent. Peu à peu, les Hongrois prirent en affection le sol conquis par leurs