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LA HONGRIE.

Les rares partisans de l’Autriche parlaient de l’illégalité de cette mesure. « S’il était vrai, répondit le député des comitats Magypaul, que la constitution proscrivît l’usage de notre langue, je dirais sans hésiter : « Meure la constitution plutôt que notre nationalité ! » Széchényi vint ensuite… « Voilà, dit-il, un trait d’audace qui me confond ! Je me résigne enfin à faire cause commune avec ceux que depuis quinze ans j’appelle les calomniateurs de mon pays ! oui, la Hongrie est ingouvernable, ils ont raison de le dire, et les bienfaits dont la comblent ses maîtres ne sont payés que par l’ingratitude ! Voilà dix millions d’hommes qui réclament le droit de s’exprimer dans leur langue, de faire des lois intelligibles pour tous, et non des oracles sibyllins rendus dans un idiome mort et obscur ; quelle insolence ! » L’orateur termina en souscrivant pour une somme de cent cinquante mille francs destinés à la fondation d’un institut national.

Le gouvernement de Vienne dut accéder au vœu de la diète : Ferdinand Ier d’Autriche est Ferdinand V de Hongrie. Aujourd’hui les actes de l’autorité et les jugemens sont publiés en hongrois ; les commandemens militaires se font en hongrois ; l’exergue des monnaies est emprunté aussi à la langue nationale ; les princes de la famille impériale, enfin, étudient cette langue, d’abord proscrite comme séditieuse.

Les propriétaires, depuis l’extension du commerce, ont éprouvé le besoin de communiquer entre eux, d’améliorer la culture, de connaître leurs ressources réciproques : tous les ans ils se réunissent à Pesth pour des courses de chevaux mais ils ne se bornent pas à applaudir les plus agiles lutteurs, ils se livrent à une véritable enquête sur les progrès matériels du pays.

Ces faits indiquent qu’un mouvement assez considérable s’opère dans les esprits ; les longs travaux de la diète de 1832-36 sont là pour prouver que ce mouvement n’est point stérile. Quelques hommes distingués, dont les conversations spirituelles sont restées gravées dans ma mémoire, m’ont fourni sur cette assemblée des détails fort curieux. Avant de les exposer, et pour que l’on en saisisse mieux l’importance, je vais faire un résumé succinct de la législation politique de la Hongrie ; c’est un chaos difficile à débrouiller.

Les derniers conquérans, les Madjyars ou Hongrois, ne se sont point mêlés aux Esclavons, aux Gépides et aux Avares, leurs prédécesseurs. Leur armée victorieuse s’est établie de force dans le pays ; mais, ainsi que celle des Normands en Angleterre, elle est, pour ainsi dire, demeurée sous les armes. Les guerres continuelles que, du XIVe siècle