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1529, déploya l’étendard du prophète ; c’est de l’île de Lobau que l’armée française s’élança pour effacer le revers d’Essling par la victoire de Wagram ; c’est à Schvächacz que Léopold, en 1683, reçut Jean Sobieski. L’empereur, superbe mannequin de parade, s’entendait assez mal à défendre ses états ; jamais, en revanche, il ne fut égalé dans l’importante science de l’étiquette et du blason. L’épée de général était lourde pour sa main, mais il connaissait le cérémonial à merveille : une entrevue avec le vainqueur des Turcs mettait donc Léopold dans un grand embarras. Il demanda conseil au duc de Lorraine : « Comment recevoir Sobieski ? — Eh mais ! les bras ouverts, répondit le prince. — Quoi ! sans plus de façon ! je suis l’empereur, et Jean n’est qu’un roi électif ; l’oubliez-vous ? » Pendant ce grave pourparler, le Polonais arriva, et Léopold daigna donner une froide accolade au héros qui l’avait sauvé.

Presbourg n’est pas la ville influente du royaume. Quoiqu’elle soit toujours le siége de la diète, les Hongrois ne la regardent point comme leur capitale, ils la trouvent trop rapprochée de Vienne. Pesth est à la fois le cœur et la tête de la nation. Le bateau s’arrête à peine une heure à Presbourg ; j’eus le temps de visiter la landhaus, le palais des états. La salle où se réunissent les représentans de la nation est de la plus grande simplicité. Elle ne ressemble en rien aux lieux des séances de nos chambres ; elle n’a ni tribune, ni gradins, ni tentures de soie. Une longue table, recouverte d’un modeste tapis vert, tient lieu de l’espèce d’estrade où, chez nous, prennent place le président et les secrétaires. Le palatin, qui est de droit président de l’assemblée, s’assied à l’une des extrémités de cette table ; les grands dignitaires siégent à sa droite et à sa gauche ; les évêques catholiques et ceux du rit grec non uni viennent ensuite ; derrière eux sont les fauteuils réservés aux magnats. Les membres parlent et votent de leurs places.

Le Danube, aussitôt après avoir laissé Presbourg, roule dans une plaine immense, et l’on peut déjà prendre une idée de la Hongrie. Le regard, des deux côtés du fleuve, se perd dans de vastes et fertiles prairies, sœurs des pampas de l’Amérique du sud. Quelques collines, ou plutôt quelques plis de terrain chargés de vignes excellentes, des troupeaux de bœufs blancs gardés par des pâtres dignes du sévère pinceau de Murillo, interrompent seuls la monotonie du spectacle. Les villages vraiment hongrois sont rares sur la rive. De loin en loin, on rencontre des amas de cabanes petites, basses, mal fermées, plus mal couvertes encore d’un chaume à demi pourri, et toutes d’un as-